Au dixième étage d’une tour de Gaza, les dossiers de Raji Sourani n’ont pas le temps de prendre la poussière. L’avocat palestinien s’active pour représenter les victimes de la dernière guerre avec Israël, auprès de la Cour pénale internationale (CPI). Pour Raji Sourani, le jour où la CPI a annoncé qu’elle ouvrait une enquête sur les crimes commis dans les Territoires palestiniens était un jour « lumineux », quand l’ex-Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu fustigeait lui « une décision qui est l’essence même de l’antisémitisme ». Crâne dégarni et paupières lourdes, l’avocat de 66 ans a déposé des dizaines de dossiers auprès de la Cour depuis 2015, afin de représenter des Palestiniens victimes selon lui de crimes de guerre commis par Israël. Une enquête à La Haye « peut permettre aux victimes de retrouver leur dignité », estime le « monsieur CPI » des Palestiniens qui dit croire « en l’idée de justice » malgré tous les obstacles. « Nous sommes des rêveurs, si vous regardez autour de nous, les faits sont si tristes, tout est déséquilibré » en faveur d’Israël, regrette l’avocat qui a fondé le Centre palestinien pour les droits humains en 1995 et a étudié en Egypte et au Liban. Avec son équipe d’une soixantaine de personnes, il documente tout ce qui peut prouver selon lui que l’Etat hébreu cible délibérément des civils sous couvert de lutte contre le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir dans l’enclave –une accusation vigoureusement démentie par les autorités israéliennes. Les dossiers portent sur la guerre entre Israël et le Hamas en 2014, les manifestations réprimées lors de la Grande marche du retour de 2018, le « blocus illégal et inhumain » imposé depuis 2007 par Israël sur Gaza… et désormais aussi sur la confrontation armée mi-mai entre le Hamas et Israël. Photos d’immeubles détruits, listes détaillées des victimes, rapports sur les missiles utilisés par l’armée israélienne, cartographie des endroits bombardés: son travail de fourmi est soigneusement classé dans des dizaines de classeurs. Du 10 au 21 mai, 260 Palestiniens ont été tués par des frappes israéliennes sur Gaza, parmi lesquels des combattants, selon les autorités locales. En Israël, les tirs de roquettes depuis le micro-territoire ont fait 13 morts, dont un soldat, d’après la police et l’armée. L’armée israélienne se défend de viser des positions civiles et affirme tout faire pour éviter les victimes civiles, tout en reconnaissant des dommages collatéraux. « Les guerres ont lieu entre des armées, les civils doivent être épargnés », assène-t-il. « Les familles Al-Kolak, Abou Al-Awf, Al Hadidi, les tours Shorouk, Hanadi, Jalaa, les réseaux hydrauliques et d’électricité: qu’est-ce que cela a à voir avec le Hamas?! »
