Invisible, inodore, silencieux, le monoxyde de carbone continue de faucher des vies en Algérie, transformant chaque hiver en saison à haut risque. Derrière les murs des foyers, ce gaz mortel, issu d’une combustion incomplète, demeure l’une des principales causes d’intoxication accidentelle domestique. Les chiffres, eux, parlent avec gravité: en 2024, la Protection civile a enregistré 119 décès dont plus de la moitié liée aux chauffe-bains. En 2025, la tendance reste préoccupante, avec plus de 100 morts recensés et des milliers de personnes sauvées in-extremis. Face à cette hécatombe silencieuse, l’État a engagé une lutte à plusieurs fronts. Le plus emblématique reste le vaste programme national de Sonelgaz visant l’installation de 22 millions de détecteurs de monoxyde de carbone, à raison de deux appareils par foyer. Lancée en 2023 sur instruction du Président de la République, cette opération inédite a déjà permis l’installation de plus de 17 millions de détecteurs à travers le pays. «Il ne s’agit pas d’un simple accessoire, mais d’un dispositif vital», insiste Hassina Sadat, responsable de la communication à Sonelgaz, appelant les citoyens à coopérer pour atteindre l’objectif final. En parallèle, la Protection civile multiplie les campagnes de sensibilisation. Écoles, mosquées, médias, quartiers: le message est martelé sans relâche. Le lieutenant-colonel, Nassim Bernaoui, rappelle que les chauffe-eaux représentent près de 70 % des sources d’intoxication et souligne que «l’aération, l’entretien régulier des appareils et le respect des normes de sécurité restent les premières lignes de défense». Les professionnels de santé tirent également la sonnette d’alarme. Au CHU d’Oran où plus de 6.600 séances d’oxygénothérapie hyperbare ont été réalisées, le professeur Nabil Tabet Aouel décrit le monoxyde de carbone comme «un tueur perfide, qui endort avant de tuer». Même constat chez le Dr Fathi Benachenhou, pour qui la banalisation des symptômes retarde souvent la prise en charge, aggravant les conséquences. Mais au-delà des dispositifs et des campagnes, le constat demeure clair: la prévention reste l’arme la plus efficace. Choisir des appareils conformes, éviter les produits de piètre qualité, vérifier les installations et ne jamais ignorer un détecteur qui sonne. Car dans cette lutte contre un danger invisible, chaque geste peut faire la différence entre la vie et la mort.



