Invité de la Radio nationale, Ibrahim Djribia, président de la Chambre d’agriculture d’Alger, a livré un message résolument optimiste sur l’état de la sécurité alimentaire en Algérie. Selon lui, le pays couvre désormais plus de 75% de ses besoins, un seuil qu’il qualifie de «dynamique encourageante» pour la souveraineté alimentaire voulue au plus haut niveau de l’État. «L’agriculture algérienne fournit aujourd’hui l’essentiel de la production nationale. Dans plusieurs filières, la ménagère ne revient pas du marché avec le couffin vide», affirme-t-il, saluant l’abondance enregistrée notamment dans les agrumes, le maraîchage ou encore la pomme, portée par l’essor spectaculaire de Khenchela et Batna. Pour Djribia, trois filières stratégiques doivent désormais concentrer les efforts: céréales, lait, viande rouge. Il rappelle que l’Algérie n’importe plus de semences céréalières «depuis plus de 30 ans», grâce au travail de l’Institut des grandes cultures, et insiste sur le potentiel du Sud, doté de réserves hydriques majeures. L’avenir, dit-il, passera aussi par les grands projets structurants: le programme Baladna avec le Qatar dès 2026, qu’il qualifie de «projet du siècle», ou encore le partenariat italo-algérien de Timimoun sur 36 000 hectares. Son autre bataille est celle de la numérisation: un recensement complet des agriculteurs, l’attribution d’un numéro unique et bientôt une carte QR destinée à fluidifier les démarches. Mais Djribia n’élude pas les blocages : l’écart entre prix à la production et à la consommation, qu’il juge extérieur au secteur agricole, et surtout la question du foncier, qu’il considère comme « une urgence absolue pour l’investissement». «La recherche n’a pas de sens si elle n’impacte pas le terrain», plaide-t-il. Cet optimisme de terrain contraste toutefois avec les diagnostics plus nuancés des experts du CREAD, qui rappellent que la sécurité alimentaire reste fragile. Leur étude, «Revue stratégique de la sécurité alimentaire et nutritionnelle», souligne certes la progression historique de la ration alimentaire par habitant, mais met en avant une vulnérabilité structurelle: dépendance aux importations, exposition climatique, perte de durabilité et déséquilibres nutritionnels. Les crises mondiales récentes – hausse des prix agricoles, perturbation des chaînes d’approvisionnement – ont montré la sensibilité du modèle actuel. Les chercheurs appellent à un changement de paradigme: irrigation économe, filières locales renforcées, réduction des pertes, réformes des subventions, gouvernance intégrée et montée en puissance d’une agriculture durable, seule capable d’assurer la sécurité alimentaire à long terme.



