Au Soudan, la guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide continue de redessiner à la fois le champ de bataille et les formes de brutalité infligées aux civils. Dernier épisode en date : l’attaque de Kalogi, dans l’État du Kordofan-Sud, menée par drones, une évolution technologique qui marque un tournant dans un conflit déjà dévastateur. Selon un responsable local cité par l’AFP, Essam al-Din al-Sayed, trois frappes successives ont touché «une école maternelle, un hôpital, puis les personnes venues secourir les enfants». Le bilan est effroyable : 79 morts selon le ministère des Affaires étrangères, dont 43 enfants. L’Unicef, qui confirmait déjà la mort d’une dizaine d’enfants de 5 à 7 ans, a dénoncé une «violation horrible des droits de l’enfant », appelant les parties à cesser immédiatement les attaques. Plus de deux ans après l’éclatement de la guerre, en avril 2023, le pays plonge dans une catastrophe humanitaire sans précédent. Les Nations unies parlent de la pire crise au monde, avec près de 12 millions de déplacés et des dizaines de milliers de morts. «C’est une guerre contre le peuple », résume Julien Binet, responsable des opérations de Médecins sans Frontières (MSF), évoquant des hôpitaux détruits, des épidémies incontrôlées et une famine qui menace des millions d’enfants. La militarisation croissante du conflit entraîne une multiplication des attaques ciblant directement l’aide humanitaire. Jeudi encore, un drone a frappé un camion du Programme alimentaire mondial (PAM) au Darfour. «Le personnel humanitaire ne doit jamais être une cible», a réagi Massad Boulos, haut conseiller du Département d’État américain, dénonçant une sixième attaque contre le PAM cette année. Le convoi acheminait une aide vitale pour des familles fuyant la famine. Sur le terrain diplomatique, chercheurs et anciens responsables réunis au Caire mettent en garde contre un risque de fragmentation du Soudan et pointent les «ingérences étrangères», certaines visant, selon eux, l’accès stratégique à la mer Rouge. Tous s’accordent sur l’urgence d’un retour au «processus de Jeddah» pour tenter d’imposer une solution politique. Mais pendant que chancelleries et think tanks débattent, les civils, eux, continuent de tomber. À Kalogi comme à El-Fasher, ce sont les enfants qui paient le prix le plus lourd d’une guerre qui s’étend, se transforme et que le monde regarde trop peu.



