Dans un marché pétrolier déjà saturé d’incertitudes, les signaux géopolitiques se multiplient et recomposent les équilibres fragiles de l’or noir. La récente tournée de Vladimir Poutine en Inde où il a assuré à Narendra Modi des livraisons «ininterrompues» de brut russe, a été immédiatement interprétée comme un rappel de la capacité du Kremlin à se repositionner malgré deux années de sanctions croissantes. Pour les analystes, ce message adressé à l’Occident est limpide: la Russie reste capable de maintenir des volumes significatifs vers l’Asie, même si les conditions de marché se resserrent. «Moscou cherche à verrouiller ses débouchés asiatiques avant que le G7 ne passe à l’offensive», estime un expert européen cité par Reuters. Les discussions entre le G7 et l’Union européenne autour d’une interdiction totale des services maritimes pour le pétrole russe – et donc la fin du mécanisme de plafonnement des prix – constituent en effet le point de bascule le plus attendu des prochains mois. Selon six sources diplomatiques relayées par l’agence, cette option pourrait être intégrée dans le prochain train de sanctions dès début 2026, transformant radicalement la manière dont le brut russe circule sur les mers. Un responsable américain, impliqué dans les réunions techniques du G7, explique que l’objectif n’est plus seulement de limiter les revenus de Moscou mais de «casser l’architecture logistique» qui permet encore à la Russie d’exporter massivement, notamment via sa vaste «flotte fantôme». Une mesure que plusieurs analystes de marché qualifient déjà de «choc structurel» en potentiel formation. Les effets se font d’ailleurs sentir en amont. La Turquie, devenue troisième importatrice mondiale de pétrole russe, s’inquiète ouvertement des attaques de drones contre des pétroliers en Mer Noire qu’Ankara juge «très effrayantes». Le président Erdogan prévient que la menace sur la navigation et l’assurance maritime pourrait déstabiliser un corridor énergétique vital. «La moindre perturbation fait grimper les primes et resserre l’offre», note Yörük Isik, analyste géopolitique basé à Istanbul. Dans ce contexte tendu, les prix ont rebondi : le Brent repasse au-dessus de 63 dollars, le WTI franchit de nouveau les 60 dollars, stimulés à la fois par la paralysie diplomatique sur l’Ukraine et par une vague de froid aux États-Unis. «Les marchés anticipent une phase durable d’instabilité», résume Phil Flynn de Price Futures Group. Une chronique qui, pour les opérateurs, dessine un début d’année 2026, placé sous le signe d’une géopolitique plus incandescente que jamais.



