L’appel d’offres lancé par l’Office algérien interprofessionnel des céréales pour l’achat de blé tendre agit cette semaine comme un révélateur de la nervosité d’un marché mondial tiraillé entre abondance de l’offre et incertitudes géopolitiques. Sur le papier, l’appel d’offres porte sur 50 000 tonnes de blé de mouture, avec des provenances ouvertes. Mais les opérateurs le savent : Alger achète souvent davantage que les volumes annoncés, transformant chaque consultation en baromètre de la demande internationale, indique Reuters. L’échéance est courte : les offres doivent être déposées ce 3 décembre et rester valides jusqu’au lendemain. Les expéditions, prévues en février 2026 – ou dès janvier pour l’Amérique du Sud et l’Australie –, confirment la stratégie d’approvisionnement régulière d’un pays qui demeure l’un des plus importants importateurs de blé au monde. Mais derrière cette mécanique bien huilée, c’est toute la hiérarchie des origines qui pourrait être bousculée. Traditionnellement chasse gardée de la France et plus largement de l’Union européenne, le marché algérien s’ouvre désormais davantage aux blés russes et à ceux de la mer Noire. Les tensions diplomatiques persistantes entre Paris et Alger, combinées à l’agressivité commerciale russe et à la compétitivité retrouvée de l’Argentine, fragilisent la position des exportateurs européens. Les attentes de prix pour ce nouvel appel d’offres – entre 250 et 257 dollars la tonne en coût et fret, avec une Argentine en embuscade – illustrent cette recomposition rapide. Cette annonce algérienne n’en a pas moins offert une bouffée d’air aux cours européens. Après avoir touché des plus bas, le blé sur Euronext a rebondi, soutenu autant par la perspective d’une demande additionnelle que par la résurgence des risques géopolitiques en mer Noire. Les attaques ciblant les flux maritimes et les menaces de Moscou de restreindre davantage l’accès maritime ukrainien ont ravivé les craintes d’une perturbation logistique majeure, rappelant aux opérateurs la fragilité persistante des routes céréalières. Pour autant, le marché reste imprégné d’une forme de prudence. Les récoltes record attendues en Argentine et en Australie alourdissent l’offre mondiale, tandis que les conditions météorologiques favorables dans l’hémisphère Nord éloignent pour l’instant tout risque de tension sur la prochaine campagne. L’appel d’offres algérien agit ainsi comme un signal, non comme un tournant : une impulsion ponctuelle dans un marché dominé par la compétition acharnée entre origines et les ombres portées d’une géopolitique toujours plus pesante.



