Algérie, équilibre dans la tempête pétrolière

Quand l’OPEP+ se réunit, les marchés retiennent normalement leur souffle. Cette fois-ci, pourtant, la réunion ministérielle des 22 pays membres est passée presque inaperçue. Non pas par manque d’enjeu, mais parce que l’attention mondiale est braquée ailleurs : sur les négociations visant à mettre fin au conflit en Ukraine. Une paix — ou un blocage — qui pourrait bouleverser la géopolitique du pétrole bien plus brutalement qu’un ajustement de quotas. Depuis avril, huit poids lourds du cartel — Arabie saoudite et Russie en tête — injectent chaque mois de nouveaux volumes pour reprendre des parts de marché face à la montée irrésistible des producteurs hors OPEP+, États-Unis, Canada ou Guyana. Mais début novembre, changement de tempo : le groupe des huit annonce qu’il suspendra ces hausses durant le premier trimestre 2026, période de demande traditionnellement plus faible. C’est ce cadre, prévisible, qui a façonné la réunion de dimanche. «La réunion ne devrait pas apporter de nouveaux facteurs déterminants pour le marché», tranche Barbara Lambrecht, analyste chez Commerzbank à l’AFP. Le cartel semble désormais naviguer à vue, tant la trajectoire des prix dépend davantage du dossier ukrainien que de Vienne ou Riyad. «Un cessez-le-feu mettrait probablement fin aux attaques mutuelles contre les infrastructures énergétiques», explique encore Mme Lambrecht, ouvrant la voie à un allègement, voire une levée de sanctions. Scénario inverse : un échec des négociations, qui «pourrait contraindre Trump à renforcer de nouveau les sanctions», anticipe Arne Lohmann Rasmussen du Global Risk Management, avec un baril mécaniquement tiré vers le haut. Dans ce paysage chargé d’incertitudes, l’Algérie avance sur une ligne d’équilibre. Dimanche, Alger et sept autres pays ont confirmé l’augmentation collective de 137 000 b/j prévue pour décembre, dont 4 000 b/j pour l’Algérie, tout en entérinant la suspension de toute hausse entre janvier et mars 2026 afin de «préserver l’équilibre du marché», rappelle le ministère des Hydrocarbures. Présente à la conférence de l’OPEP et au comité de suivi JMMC, l’Algérie s’inscrit dans une diplomatie énergétique mesurée, attachée au consensus et à la stabilité. Le cartel a par ailleurs validé un nouveau mécanisme d’évaluation des capacités de production, appelé à redessiner les quotas à partir de 2027. Un outil stratégique, mais qui révèle en creux des tensions internes. «Les quotas actuels ne reflètent plus les niveaux d’investissement ni le potentiel technique», observe Homayoun Falakshahi de Kpler. Jorge Leon de Rystad Energy y voit même un signe de «tensions non résolues». Statu quo, prudence, attente. L’OPEP+ gèle, les marchés regardent ailleurs, et l’histoire du pétrole, elle, se joue peut-être à Kiev plus qu’à Vienne.


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