Burn-out, les médecins alertent

Le Burn-out n’est plus un concept théorique: il explose silencieusement dans le monde du travail. Et pourtant, dans plusieurs pays du monde, aucun rapport national, aucune enquête structurée, aucun véritable état des lieux ne vient mesurer l’ampleur de ce qui ressemble de plus en plus à une crise de santé publique. Ce sont les médecins du travail eux-mêmes qui alertent – presque seuls – sur un phénomène qui avance masqué. Lors d’un récent colloque à l’École de la Sécurité sociale d’Alger, la professeur, Hayat Ben Messaoud, a dressé un constat sévère: les pathologies liées au stress professionnel, à la surcharge mentale et aux environnements toxiques ne cessent d’augmenter. L’épuisement professionnel, officiellement reconnu par l’OMS depuis 2019, se matérialise désormais dans les cabinets de médecine du travail: employés épuisés, conflits hiérarchiques répétés, effondrements nerveux, dépressions. Un tableau désormais banal, mais toujours absent de la liste des maladies professionnelles indemnisables. Les universitaires s’y intéressent pourtant: des thèses abordent le Burn-out, notamment dans les hôpitaux et dans certains secteurs de la fonction publique où la pression quotidienne s’apparente parfois à une marche forcée. Mais faute de données nationales, la réalité reste morcelée, presque anecdotique. Un paradoxe alors même que les médecins constatent une montée des pathologies chroniques liées au stress, du diabète à l’hypertension, en passant par les troubles musculo-squelettiques amplifiés par la sédentarité et l’usage excessif des technologies. Face à cette mutation du monde du travail, les spécialistes réclament une réforme profonde. Ils plaident pour la révision de la liste des maladies professionnelles, l’adoption du travail partiel adapté – solution éprouvée ailleurs pour éviter l’invalidité précoce –, ou encore la création d’agences de réorientation professionnelle pour repositionner les travailleurs fragilisés. Des propositions pragmatiques mais qui peinent à dépasser le stade du débat. Le paradoxe est d’autant plus frappant que les chiffres officiels, eux, donnent l’illusion d’une situation maîtrisée : les accidents du travail indemnisés ont baissé entre 2016 et 2023. Une stabilité trompeuse, expliquent les experts, puisque les inspections et les enquêtes sur le terrain restent rares, faute de moyens et de médecins du travail en nombre suffisant. Le Burn-out progresse. La médecine du travail tire la sonnette d’alarme. Mais sans données, sans diagnostic national, c’est un mal que l’on regarde sans vraiment le voir — jusqu’au jour où il devient trop lourd, pour le travailleur comme pour l’État.


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