En Algérie, l’épuration des eaux usées s’impose plus que jamais comme un pilier de la sécurité hydrique. En 2024, le pays dispose de 234 systèmes d’épuration, pour une capacité théorique de 1,1 milliard m³/an dont 601 millions de m³ réellement traités. À peine 19% de ce volume est réutilisé dans l’agriculture et l’industrie — un taux en hausse mais encore loin des ambitions affichées. Le ministre de l’Hydraulique, Taha Derbal, l’a rappelé devant l’APN: la dépendance excessive aux nappes souterraines, fragilisées par 280.000 forages, n’est plus soutenable. Cette prise de conscience est récente mais profonde. Depuis 2023, l’État accélère un vaste programme de remise à niveau: réhabilitation des stations à l’arrêt, intégration du traitement tertiaire, raccordement des exutoires aux STEP. En août 2024, à Timimoun, Taha Derbal inaugurait une station de 13.000 m³/jour, capable de fournir une eau sans restriction pour les palmeraies. Une illustration symbolique du virage: recycler pour irriguer, plutôt que pomper davantage. La feuille de route ne s’arrête pas là. Le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, a fixé deux caps: 30 à 40% de réutilisation d’ici 2027, puis 60 % à l’horizon 2030. Une ambition soutenue par plus de 40 milliards de dinars pour moderniser les infrastructures, remettre en service 27 STEP, en réhabiliter 18 autres et généraliser la désinfection — un point faible longtemps négligé, comme le rappellent les chercheurs de l’UDES, qui développent aujourd’hui des prototypes nationaux de désinfection UV. Dans le même temps, l’Algérie avance sur deux autres fronts: le dessalement dont la part dans l’alimentation en eau potable est passée de 20% en 2024 à 33% et devrait atteindre 42% dans les prochains mois, puis 60% en 2030; et les grands transferts hydrauliques, comme le projet Timiaouine–Tin Zaouatine dont les travaux débuteront en 2026. Reste un défi majeur: la valorisation. En 2024, seules 21 STEP réutilisent réellement leurs eaux traitées, pour 10 % du volume disponible. L’Algérie semble désormais prête à tourner la page du gaspillage hydrique. À condition de réussir l’alliance entre technologie, maintenance, gouvernance et formation. Si cette transition tient ses promesses, l’eau usée pourrait devenir la ressource la plus précieuse… et la plus stratégique du pays.



