L’étau se resserre sur l’évasion fiscale

L’Algérie a décidé de rompre avec des décennies d’indulgence vis-à-vis d’une évasion fiscale dont le coût, colossal, fragilise les finances publiques. Avec le Projet de loi de finances 2026, la soustraction volontaire à l’impôt bascule officiellement dans le champ pénal. La Commission des finances et du budget de l’APN, qui vient de valider cette requalification, parle d’un «tournant majeur» dans la lutte contre un phénomène au cœur de l’économie informelle. Désormais, les sanctions s’échelonnent en fonction des montants éludés. Pour moins de 100.000 DA, l’amende peut atteindre ce même plafond. Au-delà, l’évasion fiscale devient un délit: de deux à six mois de prison et jusqu’à 500.000 DA d’amende. Quand les montants dépassent un million de dinars, la peine grimpe à deux ans d’emprisonnement. Et pour les fraudes supérieures à cinq millions de dinars, le couperet tombe: deux à cinq ans de prison et jusqu’à dix millions de dinars d’amende. Un régime aggravé – cinq à dix ans de prison – vise les réseaux organisés, les fraudes impliquant plusieurs acteurs ou celles recourant aux technologies de l’information. Ce durcissement légal s’accompagne d’outils opérationnels renforcés. Depuis la loi de finances 2025, le secret professionnel n’est plus opposable aux agents fiscaux: banques, entreprises et administrations doivent désormais livrer leurs données, sous peine d’amendes pouvant atteindre quatre millions de dinars en cas de refus. Pour la DGI, il s’agit d’une véritable «nouvelle arme» dans un pays où la sphère informelle contrôle près de 8 273 milliards de dinars, selon la Banque d’Algérie. Parallèlement, l’État déploie une approche plus pragmatique avec une amnistie fiscale à 10 % permettant, jusqu’à fin 2026, de régulariser les fonds informels sans risque de poursuites. Une mesure destinée à drainer vers les banques un argent qui circule hors contrôle, estimé à près de 60 milliards de dollars. Sur le terrain, les contrôles s’intensifient. Les importateurs et exportateurs sont désormais les premiers dans le viseur, avec des audits plus longs, plus techniques et fondés sur des critères rigoureux. Pour Mohamed Moncef Boudarba (CAPC), cette offensive est nécessaire pour «casser l’économie souterraine», à condition toutefois d’associer les entreprises aux réformes. Même prudence chez Mohamed Tafart (CAP), qui met en garde contre un excès de zèle susceptible «d’alourdir la dynamique des entreprises». À l’échelle continentale, l’Algérie affiche enfin son engagement. «L’esprit du Forum repose sur la coopération et l’entraide», rappelle Ghania Rabhi Mansour (DGI), à l’occasion du Forum ATAF 2025 qu’Alger avait accueilli pour la première fois.


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