L’OMS s’attaque aux mégots

À Genève, la COP11 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac s’ouvre cette semaine sous un mot d’ordre : faire du mégot de cigarette un symbole mondial de pollution. L’idée d’interdire purement et simplement les filtres, plastiques et toxiques, n’est plus taboue. «La meilleure solution pour l’environnement serait de les supprimer», assène Andrew Black, chef par intérim du secrétariat de la CCLAT. Quatre mille cinq cents milliards de mégots sont jetés chaque année, devenant le déchet le plus répandu sur la planète. Non biodégradables, chargés de nicotine et de métaux lourds, ils contaminent les sols, les fleuves, les océans. Pour l’OMS, le lien entre tabac et climat est désormais établi. «Ces plastiques sont la première source de pollution des eaux», insiste Rüdiger Krech, directeur du programme Environnement et Changement climatique. Filtre ou pas, la toxicité reste la même, et l’industrie le sait. Elle contre-attaque en s’invitant, souvent en coulisses, au cœur des débats. L’OMS le répète : le lobby du tabac tente d’«infiltrer et saboter» la conférence. Derrière les mégots, un autre front : les nouveaux produits nicotiniques. Cigarettes électroniques, tabac chauffé, sachets aromatisés… L’OMS vient de fixer ses «lignes rouges». Tous présentent des risques, aucune preuve ne démontre leur bénéfice net, et leur marketing ciblant les jeunes est jugé alarmant. Plus de 15 millions d’adolescents vapotent déjà. Les chercheurs alertent : manque scolaire, troubles cognitifs, addiction précoce. Une «violation des droits de l’enfant», selon une étude publiée dans la revue BMJ. L’industrie réplique en invoquant la «réduction des risques», mais l’OMS balaie l’argument : substituer la combustion ne suffit pas à protéger la population. L’enjeu, dit-elle, n’est pas d’organiser la concurrence entre produits, mais de réduire la demande. Avertissements sanitaires, interdiction des arômes, taxation renforcée, régulation du commerce en ligne : le menu réglementaire s’annonce copieux. Genève sera donc un test. Dans un monde où le tabac tue plus de 7 millions de personnes chaque année, la bataille se joue désormais aussi sur les plages, dans les rivières et jusque dans les algorithmes des réseaux sociaux. L’OMS veut l’écrire noir sur blanc : la lutte antitabac est aussi une politique climatique. Et les mégots en sont le premier champ de bataille.


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