Le diabète, l’autre urgence nationale

En Algérie, le diabète s’impose comme l’un des maux les plus pressants de la société, révélateur d’une transition nutritionnelle brutale et d’un mode de vie de plus en plus sédentaire. À l’occasion de la Journée internationale du diabète, la professeure Samia Zekri, experte en diabétologie au ministère de la Santé, a dressé un tableau sans détour : «Il y a une explosion mondiale du nombre de patients, et l’Algérie n’est pas épargnée». Les chiffres confirment cette dérive. La prévalence nationale, estimée à 14,4 % en 2016, atteint désormais 17,5 %, soit près de 4,7 millions d’Algériens. Le ministre de la Santé, Mohamed Seddik Aït Messaoudene, n’a pas mâché ses mots : «Le diabète figure parmi les maladies chroniques les plus répandues au monde et représente un véritable défi pour nos systèmes de santé ». Il rappelle que 32 % des personnes de plus de 70 ans sont touchées, rendant la prévention plus indispensable que jamais. Au cœur de cette progression inquiétante se trouve le diabète de type 2, étroitement lié à l’obésité. Zekri insiste sur la dangerosité de l’obésité abdominale, signe d’un «état d’insulino-résistance» annonciateur du diabète. L’alerte devient dramatique lorsqu’elle évoque l’obésité infantile : 13,4 % des enfants de 5 à 11 ans sont déjà en situation d’obésité. «Si les parents n’agissent pas, cela se perpétue à l’âge adulte», prévient-elle, plaidant pour un retour à un régime méditerranéen, riche en produits du terroir et pauvre en aliments transformés. Car l’industrie agroalimentaire est également mise en cause. Malgré les mesures visant à réduire le sucre dans les boissons, les industriels ont souvent compensé par des édulcorants. «Ils entretiennent la dépendance au goût sucré, et certains sont cancérigènes», déplore Zekri. Pour elle, le combat doit s’attaquer aux « trois blancs » : sucre, sel et graisses. Dans ce contexte, l’État tente de reprendre la main. La mise en place d’un comité multisectoriel, la publication d’un guide national actualisé et la signature d’un accord stratégique entre Saidal et Novo Nordisk pour produire des insulines de dernière génération marquent un tournant. Le Pr Rachid Malek, président de l’Association des diabétiques de Sétif, insiste de son côté sur «l’urgence d’encourager le dépistage régulier» et sur l’importance d’une approche intégrée, combinant prévention, éducation thérapeutique et innovations technologiques. Mais au-delà des plans et des stratégies, le message reste clair : sans un sursaut collectif et un changement profond des habitudes alimentaires, la courbe du diabète continuera de grimper.


ads