La guerre énergétique

Après des mois d’accalmie relative, le marché pétrolier mondial retrouve sa complexité géopolitique habituelle. Depuis la fin de l’été, le baril de Brent évolue dans une fourchette étroite de 60 à 70 dollars, un équilibre précaire qui reflète tout à la fois la surabondance de l’offre et les incertitudes géopolitiques. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), un excédent de quatre millions de barils par jour pourrait peser sur les cours en 2026, tandis que l’OPEP parie encore sur une demande robuste tirée par l’Asie. Ce fragile statu quo a permis au président américain Donald Trump de reprendre la main sur un dossier explosif : les sanctions pétrolières contre la Russie. Le 22 octobre, Washington a durci les restrictions visant Lukoil et Rosneft, deux géants représentant près de 5 % de la production mondiale, estimant que le marché pouvait absorber le choc. Trois semaines plus tard, nouvelle volte-face : Trump accorde à la Hongrie une dérogation d’un an sur ces mêmes sanctions, selon Energynews.pro. En échange, Budapest s’est engagée à acheter pour 600 millions de dollars de gaz naturel liquéfié américain, un compromis à la fois commercial et diplomatique. Le Premier ministre Viktor Orbán, qui entretient une relation étroite avec l’ancien président, a salué une «victoire pour la sécurité énergétique hongrois». Mais pour de nombreux observateurs, cette exemption affaiblit la cohésion occidentale. Comme le rapporte Économie Matin, des responsables européens redoutent qu’un tel geste «ne fracture l’unité du front anti-Moscou». La sénatrice américaine Jeanne Shaheen a d’ailleurs résumé la contradiction : «L’Europe s’efforce de rompre ses liens énergétiques avec la Russie, mais les actions de la Hongrie sapent la sécurité collective». Cette décision intervient alors que la guerre en Ukraine s’intensifie sur le front énergétique. Moscou a frappé les infrastructures ukrainiennes, tandis que Kiev cible désormais les champs pétrolifères et ports russes. D’après l’expert militaire Roger Housen à HLN, «l’énergie est devenue le cœur de la guerre». Dans ce contexte, l’exemption accordée à Budapest apparaît comme une petite victoire pour le Kremlin, offrant une respiration financière bienvenue. Sur le plan des marchés, les traders restent prudents : le Brent se stabilise autour de 64 dollars, selon Investing.com, soutenu par l’espoir d’une reprise américaine après la fin du shutdown. Mais si la surabondance anticipée par l’AIE se confirme, la trêve actuelle pourrait vite voler en éclats.


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