Que pourrait amener Laurent Nunez de son probable voyage en Algérie? Plus mesuré et plus prudent, le nouveau ministre de l’intérieur français Laurent Nunez serait annoncé prochainement à Alger à en croire des sources fiables. Il aurait reçu une invitation de se rendre en Algérie par son homologue algérien le ministre de l’intérieur algérien M.Said Sayoud. Relations algéro-françaises ou l’échec cuisant du «Plan» de Bruno Retailleau, Laurent Nunez va-t-il rattraper et corriger les «bévues «de son prédécesseur qui ont nui aux relations bilatérales entre les deux pays? S’il y a une certitude dans la crise qui a fait exploser la relation Algérie -France depuis plus de dix-huit mois de cela, c’est que la séquence Bruno Retailleau est aujourd’hui définitivement close. La «page» étant apparemment le nouveau ministre de l’intérieur installé le 12 octobre s’attelle, depuis, à désamorcer la crise et à opter pour le dialogue et la relance de la coopération sécuritaire entre les deux pays. «Il serait favorable pour une visite en Algérie pour relancer le dialogue et la coopération entre les deux pays» ont laissé entendre certains cercles de Paris. Bien que la réponse de Paris ne soit pas encore officialisée ni d’ailleurs le sont le calendrier et l’agenda de cette visite, on imagine que cela pourrait bientôt. Le courant est en effet jugé propice depuis le départ par la petite porte du ministre tant controversé de l’ancien gouvernement français. D’un autre côté, qu’est-ce que pourra offrir Laurent Nunez dans ses valises ? s’interrogent d’ores et déjà des spécialistes des relations algéro-françaises? Bientôt un ministre de l'Intérieur de l’Hexagone pourrait être reçu en grande pompe en Algérie ? Cela aurait été impensable il y a plusieurs mois à cause des fortes turbulences diplomatiques entre Alger et Paris à cause des prises de position «étriquées» de loin approximatives de Retailleau sur l’Algérie et ses «immixtions» dans les décisions du président français, quand bien même elles auront été contestées en public par Emmanuelle Macron lui-même. Cependant, la scène devient de plus en plus imaginable et plus probable d’ailleurs que par les dix-huit derniers mois. C‘est qu’il y aurait bel et bien possibilité de sortir de la crise et renouer le dialogue entre les deux pays. Le nouveau locataire de la place Beauvau Laurent Nuñez a été du moins convié à se rendre à Alger pour rencontrer prochainement son homologue. Si aucune réponse publique n’avait été émise encore par Paris, le geste serait très symbolique. Après des mois de bras de fer, les deux pays arriveront-ils enfin à dépasser les malentendus ? Alger reste toujours intransigeante sur ses principes. "Il n'a eu de cesse d'utiliser les difficultés de cette relation pour plaire à la droite. Là, on a un ministre qui veut reprendre le dialogue pour faire redescendre la pression", juge le député Belkhir Belhaddad, ancien président du groupe d'amitié France-Algérie. Le patron des Républicains, avait quitté avec fracas le gouvernement en octobre. Son successeur n'a pas la même vision ni la même intention. Il préfère désormais se focaliser sur les besoins de coopération sécuritaire, notamment dans la lutte anti-jihadiste au Sahel. Et d'assumer un net changement de ton. "Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas, dans aucun domaine", a ainsi asséné Laurent Nuñez. L'ancien ministre de l'Intérieur avait pourtant espéré que sa volonté de dénoncer les accords de 1968 change la donne en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. Ce texte hérisse la droite et l'extrême droite depuis plusieurs années. L'idée derrière, c'était qu'en mettant la pression sur la question de l'accord, les Algériens se disent "nous, on ne veut pas le perdre donc acceptons de lâcher du lest sur les OQTF", décrypte un proche de Bruno Retailleau. Mais la stratégie n'a jamais fonctionné. Et pour cause : les dossiers diplomatiques ne sont en rien du ressort du ministère de l'Intérieur. C'est bien le quai d'Orsay qui a la main sur les relations franco-algériennes et seul Emmanuel Macron peut décider de revenir sur ce traité. Jusqu'ici, le chef de l'État s'y est toujours refusé, notamment pour des questions liées au gaz algérien, plus précieux que jamais pour la France, en dépit des appels du pied de François Bayrou. "Laurent Nuñez est pragmatique. Il voit qu'il n'aura jamais les cartes en main sur l'accord de 1968, que tout ça passe au-dessus de sa tête. Autant essayer d'être utile et d'obtenir des renseignements qui peuvent nous servir", observe Naoufel Brahimi El Mili, professeur de science politique et spécialiste de l'Algérie. L'arrivée de l'ancien préfet de police de Paris à l'Intérieur marque aussi la volonté d'Emmanuel Macron de jouer une autre carte que celle du conflit avec Alger. Le président a ainsi tenu à faire un geste symbolique fin octobre. Stéphane Romatet, l'ambassadeur de France en Algérie, s'est récemment rendu aux commémorations du 17 octobre 1961, jour où une manifestation pacifique d'Algériens a été violemment réprimée par le préfet de police Maurice Papon, débouchant sur des centaines de blessés et plusieurs dizaines de morts. "Je pense sincèrement que si Emmanuel Macron avait rendu crédible la fin de l'accord, on aurait eu des résultats en matière migratoire avec l'Algérie. Il n'a jamais voulu assumer qu'on leur torde le bras", tance un ancien conseiller de Bruno Retailleau. Le constat n'est pas partagé par Laurent Lhardit. Le député PS, président du groupe d'amitié entre les deux pays, juge au contraire que "ce n'est qu'en se parlant qu'on pourra défendre les intérêts que Paris peut avoir en Algérie et tourner enfin la page de la mise en échec de Bruno Retailleau". Interpellé par la présidente des députés RN, Sébastien Lecornu a indiqué ne pas "croire à l'abrogation" de l'accord mais à "une renégociation". Ce texte a, en effet, déjà été modifié à trois reprises, la dernière datant de 2001. Mais pas question pour le chef du gouvernement de remettre de l'huile sur le feu qui a promis "de ne jamais faire de la question de l'Algérie un sujet de politique intérieure en France". Encore une pierre dans le jardin de Bruno Retailleau.
Laurent Nuñez choisit le dialogue et le respect. Bruno Retailleau: Echec et mat
- par B.kamel
- Le 08 Novembre 2025
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