Le blé, cette céréale vieille comme le monde, s’invite une fois encore dans la grande diplomatie internationale. Pékin a relancé ses achats de blé américain après plus d’un an de silence, un geste à forte portée politique, survenu dans le sillage des discussions entre Donald Trump et Xi Jinping. Deux cargaisons, soit environ 120 000 tonnes métriques, partiront des ports américains en décembre - symbole d’un dégel commercial prudent, mais calculé. «Politique»: c’est le mot qui revient dans la bouche des négociants asiatiques. Le blé américain n’est pas le plus compétitif, loin s’en faut, mais la Chine veut montrer qu’elle reste ouverte au dialogue. Le geste dépasse la simple logistique : il résonne dans un contexte où les tensions autour de Taïwan, de la technologie et de TikTok continuent de peser sur les relations bilatérales. Comme l’explique Louise Loo, d’Oxford Economics, cette détente ressemble «davantage à une pause qu’à un pivot». Ce léger réchauffement a pourtant eu un effet immédiat sur les marchés mondiaux. À Chicago, les cours du blé ont retrouvé un certain tonus, entraînant dans leur sillage ceux du maïs et du soja. En Europe, la Bourse d’Euronext a d’abord suivi le mouvement avant de se heurter à une offre mondiale surabondante. La mer Noire - Russie, Ukraine, Kazakhstan - reste l’ogre du marché, dopée par des récoltes record. SovEcon vient d’ailleurs de relever sa prévision de production russe à 87,8 millions de tonnes, tirée par des rendements historiques en Sibérie. Sur le Vieux Continent, le blé retombe autour de 190 €/t, miné par la concurrence argentine et la vigueur du dollar, tandis que le maïs résiste mieux, soutenu par une demande intracommunautaire dynamique. L’assouplissement chinois des droits de douane sur les produits agricoles américains, conjugué à la trêve tarifaire américaine sur certains biens chinois, offre cependant un peu d’oxygène au commerce transpacifique. Reste que la géopolitique sème l’incertitude dans les silos. L’Afghanistan fait face à un déficit de plus de deux millions de tonnes, quand le Mexique, fidèle partenaire de Washington depuis l’USMCA, absorbe désormais un cinquième des exportations américaines. Le monde du blé se tend et se détend au rythme des accords et des climats. Une chose est sûre : en 2025, le blé n’est pas seulement une denrée - il redevient un instrument de politique mondiale.



