L’Organisation mondiale de la santé traverse la plus grave crise financière de son histoire récente. En 2025, ses financements pour les urgences humanitaires ont chuté de 40 % par rapport à l’année précédente, conséquence directe du désengagement américain et du ralentissement de l’aide internationale. « Les réductions soudaines et imprévues de l’aide ont coûté des vies et compromis des progrès sanitaires durement acquis », alerte son directeur général, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus. Cette contraction budgétaire touche de plein fouet les pays à revenu faible ou intermédiaire, dont les systèmes de santé reposent encore massivement sur les fonds extérieurs. Selon une enquête menée par l’OMS auprès de 108 pays, les coupes ont entraîné la réduction de 70 % des services essentiels, notamment les soins maternels, la vaccination et la surveillance épidémiologique. Plus de cinquante États signalent la perte d’emplois médicaux et l’arrêt de programmes de formation. Ces fragilités s’inscrivent dans un contexte sanitaire alarmant. L’OMS rapporte qu’une infection bactérienne sur six dans le monde résiste désormais aux antibiotiques classiques. Ce phénomène de résistance antimicrobienne (RAM) menace de replonger la médecine dans une ère pré-antibiotique, particulièrement dans les pays où les laboratoires de diagnostic et les traitements alternatifs sont rares. En Afrique, certaines souches d’E. coli ou de Klebsiella pneumoniae affichent des taux de résistance supérieurs à 70 %. «La résistance avance plus vite que la médecine moderne», prévient le Dr Tedros, soulignant le risque d’effondrement des systèmes de santé les plus fragiles. Face à la tempête, l’OMS appelle à renforcer l’autonomie sanitaire nationale. «Cette crise doit devenir une opportunité de bâtir des systèmes plus résilients», insiste Tedros. Le Kenya, le Nigeria ou le Ghana ont déjà augmenté leurs budgets santé, tandis que l’Ouganda expérimente une meilleure intégration des services de soins. Mais la tâche reste immense. Pour la Dre Sophie Faye, experte au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique, « derrière chaque statistique se cache une famille contrainte de vendre ses biens pour se soigner ». L’enjeu dépasse la simple survie institutionnelle : il s’agit de préserver la promesse d’une couverture sanitaire universelle. Comme le résume la cheffe scientifique de l’OMS, Sylvie Briand, «nous sommes mieux préparés qu’avant, mais toujours fragiles. Si une nouvelle pandémie survenait trop tôt, le monde ne serait pas prêt». Dans un contexte de désengagement global, la santé mondiale risque de devenir la prochaine victime silencieuse de la géopolitique.



