El-Fasher n’est plus. La capitale du Darfour-Nord, assiégée pendant plus de 500 jours, a succombé sous les assauts des Forces de soutien rapide (FSR), paramilitaires dirigés par le général Mohamed Hamdan Daglo. Des centaines de cadavres jonchent les rues, les hôpitaux ont été bombardés, et les survivants fuient à pied, hagards, vers des campements de fortune. Le chef des opérations humanitaires de l’ONU, Tom Fletcher, l’a dit sans détour devant le Conseil de sécurité: «El-Fasher, déjà théâtre d’un niveau catastrophique de souffrance humaine, a sombré dans un enfer plus sombre encore. Du sang sur le sable, et du sang sur nos mains. Le massacre de plus de 460 personnes dans la maternité de l’hôpital saoudien a été la goutte d’horreur de trop. L’Organisation mondiale de la santé, par la voix de son directeur Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’est dite «profondément choquée», exigeant un cessez-le-feu immédiat. L’ONU parle désormais d’un «schéma délibéré d’exécutions ethniquement ciblées», évoquant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Face à cette tragédie, les cris des ONG résonnent dans le vide. Human Rights Watch avertit: «Si le monde n’agit pas en urgence, les civils risquent de subir des crimes plus abominables encore». Sur le terrain, des humanitaires témoignent de foules affamées, de femmes violées, d’enfants perdus. Les communications sont coupées, mais les images satellites parlent : une ville rasée, un peuple broyé. Au Conseil de sécurité, la diplomatie s’essouffle. L’Algérie, rejointe par la Sierra Leone, la Somalie et le Guyana, a exigé une réunion d’urgence, dénonçant les atrocités commises à El-Fasher et appelant à «une cessation immédiate des hostilités et à l’ouverture de couloirs humanitaires». Une initiative saluée par l’Union africaine, qui rappelle qu’«il ne peut y avoir de solution militaire à la crise soudanaise». Mais le fracas des armes couvre les appels à la raison. L’Occident, paralysé par ses calculs géopolitiques, observe à distance le naufrage d’un pays que la famine, la guerre et l’indifférence ont condamné. Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, l’a résumé avec gravité: «Le monde doit choisir entre le silence ou la solidarité». Pendant ce temps, au Darfour et au Kordofan, des villes brûlent, des ethnies disparaissent, et une génération entière est sacrifiée. Le Soudan, berceau d’une histoire millénaire, se délite sous nos yeux — et l’humanité, une fois de plus, détourne le regard.



