Gaz, l’Europe s’organise...

À l’approche de l’hiver, Bruxelles s’active sur un dossier devenu existentiel : la sécurité énergétique. Selon Claudio Ribeiro, responsable du négoce de GNL chez Vitol, les stocks européens devraient descendre à 35 % d’ici la fin de la saison froide, contre 83 % début octobre. « L’hiver à venir sera décisif pour l’équilibre du marché », prévient-il, d’autant que les modèles climatiques annoncent une probabilité accrue d’un hiver, La Niña, donc plus froid que la moyenne. Consciente de la fragilité de cette équation, l’Union européenne relance son mécanisme de mise en commun de la demande de gaz, imaginé en 2022 pour coordonner les achats et peser davantage face aux fournisseurs mondiaux. Le commissaire à l’énergie Dan Jorgensen a confirmé, depuis la Roumanie, la création d’un nouveau pool régional pour l’Europe centrale, orientale et du sud-est, visant à négocier «des approvisionnements diversifiés à des prix compétitifs ». L’objectif : sortir définitivement de l’orbite énergétique russe d’ici 2028. Mais la tâche reste ardue. Certains États membres, Hongrie et Slovaquie en tête, redoutent une flambée des prix et défendent leurs contrats existants avec Moscou. Pendant ce temps, les marchés européens affichent une accalmie : le contrat TTF néerlandais se négocie autour de 31,6 euros/MWh, tiré vers le bas par une météo clémente, une production éolienne soutenue et des flux norvégiens renforcés. Une respiration bienvenue dans un marché longtemps sous tension. À l’échelle mondiale, les signaux de reprise du marché du GNL se multiplient. Lors de la conférence Asia Gas Markets, des acteurs comme Uniper et Cheniere ont salué une « hausse de la liquidité et de la flexibilité », évoquant une « nouvelle ère d’optimisation » des échanges. Les prix en Asie restent toutefois supérieurs à 11 $/mmBtu, loin du seuil de 7-8 $ jugé nécessaire pour relancer la demande de masse. Sur l’autre rive de la Méditerranée, l’Algérie** renoue avec la croissance gazière. Sa production a progressé de 12 % en un an, atteignant 8,36 milliards de m³ en août 2025. Si les exportations par gazoducs augmentent, celles de GNL reculent, confirmant une priorité donnée aux livraisons régionales et à la fiabilité contractuelle. En toile de fond, Sonatrach modernise ses capacités et renforce ses partenariats européens, profitant d’une conjoncture qui redonne au gaz nord-africain une place centrale dans la stratégie énergétique du continent. À Bruxelles comme à Alger, l’hiver s’annonce donc stratégique : pour les uns, il s’agit d’affermir une autonomie énergétique collective ; pour les autres, de consolider une reconquête de marché. Dans les deux cas, la partie ne fait que commencer.


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