Washington relance la guerre du pétrole

Les États-Unis ont frappé fort. En sanctionnant simultanément les deux géants pétroliers russes Rosneft et Lukoil, Washington a lancé l’offensive la plus sévère depuis le début de la guerre en Ukraine. Objectif affiché : «saper la capacité du Kremlin à financer l’effort de guerre», a déclaré le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, promettant de «prendre d’autres mesures si nécessaire». Mais ce coup de semonce rebat les cartes d’un marché pétrolier déjà fragile. En quelques heures, le baril de Brent a bondi de près de 5%, franchissant les 66 dollars à Londres. Pour l’OPEP+, cette montée des prix est à la fois une aubaine et un casse-tête. Le ministre du pétrole du Koweït, Tariq Al-Roumi, a reconnu que l’alliance était «prête à augmenter encore sa production si nécessaire» pour contenir la flambée. Mais la cohésion du cartel est mise à rude épreuve. «Si la production russe devait reculer, il deviendrait politiquement difficile pour Moscou de soutenir les hausses de production», avertit Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy. Le choc se propage jusqu’en Asie. L’Inde et la Chine, principaux clients du pétrole russe, revoient leurs positions. Reliance Industries, premier importateur privé indien, a annoncé qu’elle respecterait les sanctions américaines, tandis que plusieurs entreprises publiques chinoises, dont PetroChina et Sinopec, ont suspendu leurs achats maritimes de brut russe. Pékin redoute les «sanctions secondaires visant les institutions financières impliquées dans ces transactions. Résultat : Moscou pourrait perdre entre 500 000 et 600 000 barils par jour d’exportations, selon Rystad. Pour Donald Trump, l’architecte de cette nouvelle salve de sanctions, le calcul est double: isoler Poutine tout en évitant une flambée durable des prix de l’essence aux États-Unis. L’ancien président républicain compte sur la «coopération» de ses alliés du Golfe pour stabiliser le marché. «Le moment est favorable: les prix restent bas et la production mondiale excédentaire», rappelait récemment La Libre Belgique. Reste à savoir si ce pari tiendra. Entre la perte de revenus russes, la nervosité de l’OPEP+ et le retrait partiel de l’Inde et de la Chine, la géopolitique du pétrole entre dans une zone de turbulences. Comme le résume un diplomate du Golfe: «Quand Washington touche au pétrole russe, c’est tout l’équilibre du marché mondial qui vacille».


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