C’est une rupture historique qui s’annonce à Bruxelles. Réunis à Luxembourg, les ministres européens de l’Énergie ont acté, le 20 octobre, la fin des importations de gaz naturel russe d’ici la fin 2027. Une mesure hautement symbolique, inscrite dans la stratégie REPowerEU, qui vise à libérer le continent de sa dépendance à Moscou. Après le charbon et le pétrole, c’est désormais le gaz – longtemps talon d’Achille des sanctions – qui est dans le viseur. En 2024, il représentait encore près d’un cinquième des importations européennes. L’interdiction sera progressive : dès 2026, plus aucun nouveau contrat ne pourra être signé avec les fournisseurs russes. Les accords à court terme s’éteindront mi-2026, avant la fermeture définitive des robinets en 2027. Mais cette trajectoire, saluée comme un acte de souveraineté énergétique, ne fait pas l’unanimité. La Hongrie et la Slovaquie, encore fortement dépendantes du gaz russe, redoutent un choc économique et menacent d’actions juridiques. Derrière ces tensions se joue une bataille politique : le Parlement européen veut aller plus vite et bannir le gaz russe dès 2026, tandis que plusieurs États plaident pour une transition plus souple. Privée du principal fournisseur historique, l’Europe accélère sa diversification. Dans cette recomposition, l’Algérie s’impose comme un partenaire de premier plan. Alger et Bruxelles ont récemment renforcé leur coopération énergétique et minière, avec des ambitions dépassant le seul gaz naturel. Le pays veut devenir un acteur stratégique dans l’exploitation des minéraux stratégiques et des terres rares, tout en développant la production d’hydrogène vert et bleu. Pour l’Union, c’est un double pari : sécuriser de nouveaux approvisionnements tout en investissant dans les filières de demain. Sur les marchés mondiaux, le centre de gravité gazier continue de se déplacer. À Doha, le Forum des pays exportateurs de gaz a rappelé le rôle du gaz comme énergie “propre et fiable” dans la transition énergétique. Les États-Unis, eux, renforcent leur position d’exportateur majeur de GNL, au prix d’une tension croissante entre industrie et consommateurs domestiques confrontés à des factures record. Entre embargo russe, essor du GNL américain et partenariat renforcé avec l’Algérie, le marché du gaz entre dans une ère d’ajustement. L’Europe, contrainte par la géopolitique, tente d’y tracer une voie d’indépendance. Mais ce virage stratégique se fera sous haute tension : les prix, la sécurité d’approvisionnement et la cohésion politique du continent seront les véritables baromètres de cette transition énergétique forcée.



