Gaza, une paix suspendue à un fil

La paix, fragile et vacillante, vacille à nouveau sur la bande de Gaza. Dimanche, l’armée israélienne a largué, selon Benjamin Netanyahou, «153 tonnes de bombes» sur l’enclave palestinienne, tuant au moins 45 personnes dont des civils et un journaliste, selon la Défense civile de Gaza. Le cessez-le-feu, laborieusement arraché dix jours plus tôt sous l’égide de Washington, a tenu à peine le temps d’un souffle. Officiellement, Israël répondait à des tirs du Hamas. Officieusement, cette riposte démesurée ressemble à un test : jusqu’où la communauté internationale tolérera-t-elle encore ce «droit à la défense» devenu alibi pour une politique d’écrasement? Dans les ruines de Rafah et de Beit Lahia, les Palestiniens comptent leurs morts tandis que l’armée parle de «terroristes ayant franchi la ligne jaune, cette frontière artificielle qui symbolise moins la paix que la mise sous tutelle de Gaza. À Jérusalem, Gershon Baskin, infatigable artisan israélien du dialogue, confiait au Monde son mince espoir : «Chaque jour où nous ne revenons pas à la guerre, nous sommes sur la bonne voie». Mais cet espoir semble de plus en plus solitaire. Le gouvernement Netanyahou, pressé par son aile dure et une opinion chauffée à blanc, paraît chercher, dans la moindre escarmouche, la justification d’un retour à l’offensive. Pendant ce temps, Washington joue les pompiers pyromanes. Le président Donald Trump, tout en affirmant que le cessez-le-feu reste «en vigueur», menace d’«éradiquer le Hamas» si l’accord n’est pas respecté. Son gendre Jared Kushner et l’homme d’affaires Steve Witkoff étaient encore à Jérusalem lundi, réaffirmant le «plein soutien» américain à Israël. Une paix sous tutelle, dictée plus que négociée, où la diplomatie se mêle à la mise en scène. En Europe, quelques voix appellent à la retenue. Les pays du MED9, réunis en Slovénie, exigent la réouverture des points de passage humanitaires et menacent Israël de sanctions si la trêve n’est pas respectée. Mais ces mots, dans le vacarme des bombes, résonnent comme des prières impuissantes. À Gaza, les bulldozers israéliens posent des blocs de béton jaunes pour marquer la «ligne de sécurité». Une ligne de plus, une paix de moins. La guerre, semble-t-il, n’attend qu’un prétexte pour reprendre — et Israël, peut-être, qu’une occasion.


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