Les chiffres tombent, implacables, comme les bilans hebdomadaires d’une guerre que personne ne veut plus nommer. En Algérie, la route continue de tuer. Rien qu’au cours des huit premiers mois de 2025, 2.618 personnes ont perdu la vie dans des accidents de la circulation, selon Lahcen Boubka, directeur d’études à la Délégation nationale pour la sécurité routière. C’est 0,5% de plus que l’an dernier à la même période. Le nombre de blessés s’élève à 25.399, soit une hausse de 2%. Et derrière ces statistiques froides, autant de familles brisées, de vies basculées, d’handicaps à vie. L’année 2024, déjà, avait donné le ton d’une tendance dramatique: 3.740 morts et 35.556 blessés, un record funeste qui confirmait l’échec des politiques de prévention. Les accidents avaient bondi de 15%, les décès de 3%. Malgré les campagnes de sensibilisation, les spots télévisés et les contrôles sporadiques, la courbe ne s’inverse pas. Le facteur humain reste, sans surprise, le principal coupable. Boubka parle d’un taux accablant: 95% des accidents sont dus à l’imprudence, aux excès de vitesse, à l’usage de psychotropes ou au non-respect du code de la route. Même son de cloche chez Mme Fatma Khellaf, chargée de communication de la DNSR, qui évoquait pour 2024 un chiffre encore plus lourd: 96,36%. Et le profil du chauffard type se dessine nettement — jeune, permis de conduire récent, souvent grisé par la puissance d’un volant trop vite confié. Mais réduire cette hécatombe à une simple question de comportement serait une facilité. La Banque mondiale rappelait déjà en 2023 que ces accidents coûtaient à l’Algérie entre 2 et 3% de son PIB. Or, la réponse institutionnelle demeure timide: permis à points resté théorique, coordination administrative défaillante, marché de la pièce détachée perturbé et parc vieillissant. Le Conseil interministériel chargé de la sécurité routière, lui, n’a plus donné signe de vie depuis fin 2023. Sur les routes algériennes, la tragédie continue de s’écrire en silence. Une chronique de la vitesse, de l’imprudence et de l’indifférence. Une hécatombe devenue, tristement, routinière.