Par-delà les discours bien rodés, la réalité épidémiologique de l’Algérie s’écrit en rouge. C’est ce qu’a martelé, sans détour, le professeur Rachid Belhadj, président du comité d’éthique et de déontologie auprès de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), lors de son intervention sur les ondes de la chaîne 3. « Tous les chiffres sont au rouge ! », déclare-t-il avec gravité, évoquant les hausses alarmantes d’hypertension, d’AVC, de maladies cardiovasculaires et de décès liés au diabète. Derrière ces données brutes, une dénonciation claire : l’épidémie silencieuse de la malbouffe industrielle – boissons sucrées, aliments ultra-transformés – que personne ne veut vraiment affronter. Mais au-delà de l’indignation, c’est un appel à l’intégrité qui résonne. Le professeur pointe du doigt un mal tout aussi toxique : la falsification des chiffres et les promesses creuses dans les sphères décisionnelles. «Nous avons besoin de managers éthiques», assène-t-il, mettant en lumière l’exigence d’une gouvernance sanitaire fondée sur la transparence et la responsabilité. Une exigence qui prend tout son sens alors que le ministère de la Santé, via l’ANSS dirigée par le Pr Kamel Sanhadji, déploie une stratégie nationale de sécurité sanitaire ambitieuse, axée notamment sur la lutte contre le cancer. Cette stratégie, articulée autour de cinq axes, mise sur la prévention, le dépistage précoce, la formation médicale, l’uniformisation des protocoles thérapeutiques et la recherche scientifique. Une vision moderne et globale, mais qui ne pourra porter ses fruits sans un socle éthique solide et sans une rigueur dans l’usage des chiffres. Car si l’on en croit les études citées par le Pr Sanhadji, 41 % des cancers pourraient être évités. Encore faut-il oser nommer les causes – tabac, obésité, sédentarité, précarité – et en mesurer l’ampleur réelle. C’est là que le comité d’éthique et de déontologie entre en scène : cette instance multidisciplinaire ne se contente pas d’observer. Elle réfléchit, alerte, propose. Elle a déjà contribué à des actions concrètes, comme l’installation de 22 millions de détecteurs de monoxyde de carbone dans les foyers. Un exemple de prévention simple, mais efficace. Encore faut-il que les voix de ces experts ne se perdent pas dans les méandres de la technocratie. Au final, la santé publique ne peut plus être pilotée à vue. Elle exige des chiffres vrais, des choix courageux, et des actes alignés avec les valeurs de la société.



