Déchets ménagers: vers une révolution silencieuse?

La gestion des déchets ménagers en Algérie semble enfin sortir de l’ombre administrative pour devenir un vrai sujet stratégique. La récente rencontre organisée entre les ministères de l’Intérieur, de l’Environnement et des Collectivités locales, autour du thème «Renforcer la dynamique locale pour la promotion de la pratique environnementale : formation, accompagnement et investissement», marque peut-être le début d’un tournant. Dans les salons du ministère de l’Intérieur, le décor est clair : il faut revoir de fond en comble la manière dont les déchets sont gérés et surtout, par qui. Trois axes majeurs émergent de cette rencontre : former les acteurs locaux, accompagner les collectivités dans la gestion intégrée et surtout, investir dans les filières de valorisation — recyclage, tri, récupération — avec un objectif affiché : créer de la richesse à partir de ce qui, hier encore, passait pour des rebuts. Le ministre Saïd Sayoud a été direct : les déchets ne doivent plus être une charge pour les finances publiques, mais un levier économique. Le ton est donné. Et il est renforcé par sa collègue de l’Environnement, Mme Kaouter Krikou, qui annonce le déploiement d’un programme national de formation à destination des communes, sous l’égide du CNFE ainsi qu’un suivi digitalisé via une carte numérique des systèmes de gestion des déchets. Mais sur le terrain, le contraste est saisissant. Moins de 10 % des déchets sont aujourd’hui recyclés en Algérie. Le verre est pratiquement ignoré, les bios déchets finissent en décharge et les filières peinent à se structurer. La directrice de l’Agence nationale des déchets (AND) ne mâche pas ses mots : il reste beaucoup à faire. C’est dans ce vide que résonne la voix d’un expert : Karim Ouamane, ancien DG de l’AND, propose une mesure aussi simple qu’ambitieuse : des sacs-poubelle normalisés, obligatoires et payants dont le coût intégrerait directement les frais de collecte et de traitement. Inspirée de modèles coréen, suisse ou belge, l’idée a de quoi bousculer les habitudes : transformer une taxe mal comprise (la TEOM) en une contribution visible, équitable et incitative. Et surtout, créer une filière industrielle locale — de la fabrication à la distribution — capable de générer de l’emploi et de responsabiliser chaque citoyen. En somme, les outils existent. La volonté politique aussi, semble-t-il. Reste à savoir si la dynamique locale suivra. Car c’est bien là que se joue la bataille : dans les communes, dans les quartiers, dans le geste quotidien du citoyen. Si le prochain sac-poubelle peut devenir le premier maillon d’une chaîne économique circulaire, alors oui, une révolution silencieuse sera en marche.


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