C’est une maladie du siècle qui progresse à pas feutrés mais inexorables. En Algérie, l’Alzheimer s’impose désormais comme un véritable défi sanitaire. Longtemps éclipsée par d’autres priorités de santé publique, cette pathologie neurodégénérative qui ronge la mémoire et l’autonomie des patients, touche, selon le Pr Souhila Amalou, près de 200.000 personnes à travers le pays — un chiffre en constante progression. «Les femmes sont les plus touchées, en raison notamment de leur espérance de vie plus élevée et des bouleversements hormonaux liés à la ménopause», précise la spécialiste du CHU de Blida. L’Organisation mondiale de la santé rappelle que l’Alzheimer représente 60 à 70 % des cas de démence dans le monde. En Algérie, la tendance suit cette courbe mondiale : l’espérance de vie dépasse désormais 77 ans, accentuant mécaniquement le nombre de malades. Pourtant, faute de diagnostic précoce et de structures adaptées, beaucoup de cas échappent encore à la détection. «Les généralistes représentent la première ligne de défense», insiste le Pr Abderrezak Bouamra, directeur de l’Institut national de santé publique (INSP), qui plaide pour une formation continue du corps médical afin d’identifier plus tôt les signes avant-coureurs. Sur le terrain, les moyens restent limités. Quelques unités hospitalières à Alger, Oran et Constantine accueillent les malades mais leur capacité est largement dépassée. À Blida, le Pr Amalou milite pour des unités d’hospitalisation de jour afin d’alléger le fardeau des familles, premières victimes collatérales de la maladie. «Ces structures sont essentielles, non seulement pour ralentir la perte d’autonomie mais aussi pour soutenir les aidants, souvent épuisés», souligne-t-elle. Les associations comblent tant bien que mal les lacunes du système. À Blida, l’organisation Matensanich, présidée par Dalila Abdelli, milite pour la reconnaissance d’un statut légal des aidants et pour un meilleur accompagnement psychologique. D’autres, à Oran ou Constantine, multiplient les campagnes de sensibilisation et de formation. Face à ce tableau contrasté, certaines initiatives ouvrent des horizons nouveaux. La psychopraticienne, Kamela Guenzet, installée en France, s’apprête à lancer en Algérie un centre de neurofeedback, une technologie innovante visant à stimuler les fonctions cérébrales et à retarder les effets de la maladie. Reste un constat : sans plan national Alzheimer, incluant la recherche, la prévention et la création de centres spécialisés, le pays continuera de subir en silence une maladie qui, bien souvent, ne détruit pas seulement la mémoire du patient mais bouleverse toute une famille.



