Algérie: «réformer l’ONU ou sombrer»

A New York, Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères, n’a pas mâché ses mots : il faut «une réforme globale du Conseil de sécurité et des institutions de Bretton Woods» afin de mettre fin à «des décennies d’injustice historique infligée à l’Afrique». Ce plaidoyer, prononcé en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, s’inscrit dans un mouvement plus large porté par le continent africain – de Pretoria au Caire – et relayé par d’autres puissances émergentes comme l’Inde et le Brésil. Tous réclament un rééquilibrage d’un système international façonné en 1945, où cinq pays gardent un droit de veto paralysant et où l’Afrique, berceau d’un quart de l’humanité, reste sans siège permanent. Ces appels résonnent d’autant plus fort que l’ONU fête ses 80 ans sur fond de guerre à Gaza et d’impasse diplomatique. Pour Anne-Cécile Robert, spécialiste des institutions internationales, «l’abus du veto par Moscou ou Washington empêche toute sortie de crise crédible». De Romuald Sciora à l’IRIS à Recep Tayyip Erdogan à Ankara, les analyses convergent : sans réforme, l’ONU risque de suivre le destin de la Société des Nations, emportée par son impuissance. La question ne se limite pas au Conseil de sécurité. Les institutions de Bretton Woods – FMI et Banque mondiale en tête – sont elles aussi accusées de reproduire des hiérarchies postcoloniales. D’où l’insistance d’Alger et de Pretoria pour «associer le continent africain à la redéfinition des contours de la future économie mondiale» et le préparer aux révolutions technologiques en cours. En toile de fond, un enjeu moral : la crédibilité d’un ordre international qui se veut fondé sur le droit. Les vetos américains sur Gaza ou russes sur l’Ukraine illustrent ce «deux poids, deux mesures» dénoncé par le Sud global. Pour de nombreux experts, la réforme doit donc combiner élargissement du Conseil de sécurité, encadrement strict du véto et transfert de moyens vers l’Assemblée générale ou des coalitions volontaires sous mandat onusien. L’heure est à la décision. Comme le résume l’initiative algérienne, il s’agit moins d’inventer un nouveau système que d’universaliser enfin les règles adoptées en 1945. Faute de quoi l’ONU, minée par son blocage institutionnel, pourrait bien devenir une coquille vide, laissant la loi du plus fort remplacer le droit international.


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