Santé mentale: l’Algérie franchit un cap

A Alger, la santé mentale s’invite enfin au cœur du débat public. Les 20 et 21 septembre 2025, l’Association nationale des pharmaciens algériens a organisé le premier Sommet pharmaceutique sur la santé mentale, une initiative inédite dans le pays, Realye Santé News. Psychiatres, pharmaciens hospitaliers et d’officine se sont retrouvés pour imaginer une prise en charge plus intégrée des troubles psychiques. Ce rendez-vous marque un tournant: le pharmacien, longtemps cantonné à un rôle secondaire, devient un acteur central de la prévention et du suivi thérapeutique. Le professeur Mohamed Nejjari, de l’hôpital spécialisé « Driid Hussein », a dressé un constat sans appel: le retard d’accès aux soins psychiatriques, souvent aggravé par le recours à la roqya, fait perdre «des années cruciales» de traitement aux patients. Son message est clair: les antipsychotiques modernes permettent aujourd’hui d’étudier, de travailler et de s’intégrer socialement. Mais encore faut-il les administrer à temps. Dans le même esprit, le professeur Abdelkrim Massoudi appelle à actualiser le Plan national de santé mentale, conçu il y a plusieurs années. Pour lui, le pharmacien doit être intégré de manière systématique à l’équipe pluridisciplinaire. Un écho direct aux alertes de l’OMS, qui souligne la hausse inquiétante du suicide dans le pays. Cette mobilisation institutionnelle intervient dans un contexte où les signaux d’alarme se multiplient. Près de 60% de la population algérienne a moins de 30 ans et les troubles anxieux et dépressifs explosent chez les 15-24 ans, souligne un rapport de l’OMS relayé par Algérie santé en 2023. Manque de psychiatres (1,5 pour 100.000 habitants), stigmatisation persistante et diagnostics tardifs forment un cocktail explosif. Pourtant, des pistes se dessinent. L’UNICEF plaide pour introduire la santé mentale dans les programmes scolaires et la téléconsultation amorce une révolution d’accès aux soins. Dans ce contexte, le Sommet pharmaceutique d’Alger agit comme un signal fort: élargir le cercle des intervenants, multiplier les points d’accès aux soins et surtout changer le regard sur le malade mental – «un patient comme les autres» -, rappelle le professeur Mohamed Tejjari. Si l’Algérie réussit ce pari, elle pourrait transformer un déficit chronique en modèle régional. En plaçant le pharmacien au cœur du dispositif, le pays esquisse une nouvelle approche: pragmatique, décentralisée et tournée vers la dignité du patient.


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