Nucléaire, l’Algérie réclame justice

Dans une salle du siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique, à Vienne, l’Algérie a remis sur la table un dossier brûlant : celui des essais nucléaires français dans le Sud algérien. À l’occasion de la 69? Conférence générale, experts, diplomates et scientifiques ont débattu des «explosions et essais nucléaires français» et de leurs effets persistants sur la santé et l’environnement. En filigrane, une question lancinante: pourquoi, plus de soixante ans après, la France refuse-t-elle encore de nettoyer les sites, d’indemniser les victimes et de livrer ses archives? Un documentaire inédit, projeté en marge des débats, a secoué l’assistance. Réalisé par le journaliste Mohamed Mouallem, il donne la parole à des chimistes, médecins, géologues et juristes. Leur constat est implacable : les retombées radioactives d’In Ekker et de Reggane ont empoisonné sols, nappes phréatiques et populations. Cancers du sein et de la thyroïde, malformations congénitales, maladies chroniques: la liste est longue, héréditaire parfois, et concerne des milliers de familles. Les chiffres officiels avancent 150.000 personnes exposées aux radiations et près de 30.000 malades identifiés dès les années 1960. Face à cette catastrophe sanitaire, Alger tente de colmater les brèches: création de centres de diagnostic à Aïn Amguel et Reggane, formation de spécialistes, construction de barrières autour des zones contaminées. Mais l’essentiel – dépolluer et réparer – relève encore du bon vouloir français. Seul un Algérien a été indemnisé à ce jour, sur 545 dossiers reconnus en France. Les intervenants ont rappelé que le droit international qualifie ces actes de crimes imprescriptibles et qu’aucune clause des accords d’Évian ne couvrait de tels essais. Vingt ONG internationales demandent désormais la création d’une commission conjointe algéro-française, la déclassification totale des archives et l’adhésion de Paris au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Cette rencontre, plus qu’un événement technique, sonne comme une alerte éthique. Le Sahara n’est pas un no man’s land, mais un territoire habité, fragilisé, où chaque grain de sable raconte l’histoire d’explosions secrètes. Pour l’Algérie et ses partenaires, l’enjeu dépasse la mémoire: il s’agit d’obtenir justice, dépollution et reconnaissance, avant que la bombe à retardement laissée sous le désert n’explose une fois de plus – cette fois sous la forme d’un héritage toxique transmis aux générations futures.


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