Vaccins contre le cancer, espoirs et rivalités

«Le vaccin personnalisé contre le cancer est désormais prêt à l’usage». C’est en ces termes que Veronika Skvortsova, ancienne ministre russe de la Santé et actuelle directrice de l’Agence fédérale médico-biologique, annonçait le 5 septembre dernier aux Izvestia, les avancées d’EnteroMix, un traitement présenté comme une révolution. Selon elle, les études pré cliniques, menées ces trois dernières années, montrent une efficacité allant «de 60 à 80%» dans la réduction des tumeurs, en particulier dans le cancer colorectal. Mais la prudence reste de mise. Comme le rappelle Euronews, le vaccin n’a franchi que l’étape des essais pré cliniques. Les premiers tests sur l’homme n’ont débuté que récemment, avec un groupe restreint de patients. «Nous ne pouvons pas parler d’un produit prêt à l’emploi», souligne un oncologue européen interrogé par le média, insistant sur la nécessité de valider la sécurité et l’efficacité en phases II et III. Derrière l’enthousiasme scientifique, la bataille politique n’est jamais loin. Depuis l’annonce russe, plusieurs médias occidentaux pointent le risque de «surestimer» les résultats, dénonçant une stratégie de communication visant à marquer des points géopolitiques. Moscou, de son côté, accuse les grands laboratoires pharmaceutiques internationaux de vouloir discréditer ses avancées pour protéger leurs parts de marché. «Les campagnes de dénigrement font partie du jeu», admet un chercheur russe cité par RT France, «mais nous avançons sur la base de données scientifiques solides». Pendant que la Russie mise sur EnteroMix, l’Occident poursuit ses propres pistes. Au Royaume-Uni, l’équipe du Dr. Phil Jones, à l’Université de Cambridge, explore une stratégie préventive étonnante: renforcer les cellules dites «protectrices» pour freiner celles qui pourraient devenir cancéreuses. Une étude publiée dans Nature Genetics en 2024 a même montré que la metformine, un médicament antidiabétique, pouvait favoriser ces mutations bénéfiques. En Alsace, la société Transgene développe un vaccin thérapeutique, le TG4050. Lors de la conférence annuelle d’oncologie à Chicago, ses chercheurs ont présenté des résultats «très prometteurs»: aucun patient traité n’a rechuté dans les cancers de la tête et du cou, contrairement au groupe témoin. «Ce vaccin n’est pas préventif, il combat la maladie déjà installée», précise son PDG, Alessandro Riva. Qu’il soit russe, britannique ou français, le vaccin contre le cancer incarne autant une promesse médicale qu’un enjeu stratégique. La science avance, mais entre les laboratoires et les chancelleries, la bataille du récit s’annonce aussi féroce que celle menée contre les cellules malignes.


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