En Algérie, la douleur des femmes victimes de violence sort peu à peu de l’ombre. Le lancement de la plateforme numérique «Himayati», par le ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, marque un pas supplémentaire dans la bataille contre ce fléau longtemps étouffé par le silence. Accessible via [www.himayati.dz](http://www.himayati.dz), ce nouvel outil permet aux femmes agressées de signaler, demander conseil et se rapprocher directement des services concernés. C’est une première nationale : un guichet virtuel unique, interconnectant les services de sécurité, la justice et la santé. Derrière l’écran, l’ambition est claire : offrir une prise en charge globale, rapide et digne. Dans un pays où plus de 4 000 cas de violences ont été recensés en 2023 dans seulement cinq wilayas, selon l’Institut national de santé publique (INSP), l’urgence est criante. La violence domestique, en particulier, reste le cœur du drame : près de 70% des victimes sont mariées et dans près d’un cas sur deux, c’est le conjoint qui est l’agresseur. Des chiffres glaçants, révélateurs d’une société où l’espace du foyer, censé protéger, se transforme trop souvent en lieu de brutalité. Face à cela, l’État multiplie les initiatives. Après le numéro vert 10.26, désormais «Himayati» vient compléter l’arsenal, avec une dimension numérique censée faciliter l’accès à l’aide. Mais la technologie, aussi innovante soit-elle, ne suffit pas. Les associations féministes, en première ligne depuis des décennies, rappellent que la protection des femmes exige une stratégie nationale globale : centres d’hébergement dignes, protection immédiate des victimes, sanctions effectives contre les agresseurs et formation accrue des policiers, magistrats et médecins. Elles saluent néanmoins l’initiative présidentielle. En février dernier, Tebboune a instruit le ministre de la Justice et celui de la Solidarité de mettre en place des mécanismes juridiques supplémentaires pour protéger les femmes, soulignant leur rôle essentiel dans la société algérienne. Au-delà des textes et des plateformes, l’enjeu reste de briser l’isolement des victimes. Trop souvent encore, les femmes violentées se rendent seules à l’hôpital, parfois après des années de silence. L’étude de l’INSP montre pourtant que la parole se libère : 85% des femmes agressées en 2023 ont consulté spontanément après l’acte, contre 29% seulement un an plus tôt. «Himayati» est donc plus qu’un site : c’est une promesse. Celle d’un État qui affirme protéger ses citoyennes et d’une société qui, pas à pas, tente de transformer la souffrance en combat collectif.