En Algérie, l’or rouge ne brille pas encore de tout son éclat. Mais les ambitions, elles, sont claires : atteindre les 100 millions de dollars d’exportations à l’horizon 2030, dans le cadre du projet international Prima SaffronFood qui associe six pays européens et méditerranéens. Lundi dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Kamel Baddari, accompagné de son homologue de l’Agriculture, Youcef Cherfa, a donné le coup d’envoi de la stratégie nationale d’organisation, de développement et de généralisation de la culture du safran. Un lancement symbolique à l’École nationale supérieure agronomique d’Alger, ponctué par la plantation de bulbes et la signature d’une convention entre centres de recherche et organismes agricoles. Objectif: donner à l’Algérie un label safranier reconnu et compétitif. Derrière ce projet, une vision: diversifier l’agriculture, valoriser la recherche scientifique et développer une filière à forte valeur ajoutée. Quatre axes sont mis en avant: améliorer la productivité, créer de nouvelles variétés, structurer une industrie de transformation et booster l’exportation. Pour l’instant, les chiffres paraissent modestes: 250 safraniers, 58 hectares cultivés, entre 35 et 50 kilos produits par an. Mais les experts rappellent que l’Algérie dispose d’atouts uniques: un climat propice notamment en zones montagneuses et surtout une qualité exceptionnelle. «Le taux de crocine de notre safran dépasse 19 %, un niveau qu’on ne retrouve que dans les meilleurs safrans d’Iran», souligne Mohammed Sif Allah Kechbar, directeur du CRSTRA de Biskra. Une garantie de compétitivité sur les marchés internationaux, très friands de ce produit rare et cher. Au-delà du prestige économique, le safran est aussi porteur d’enjeux sociaux et environnementaux. Cultivé manuellement, il mobilise une main-d’œuvre féminine importante, notamment dans le tri et le séchage, offrant ainsi des revenus supplémentaires aux foyers ruraux. Il est aussi présenté comme une plante éco-systémique, génératrice d’emplois, sobre en eau et adaptée aux zones arides et montagneuses du pays. Encore faut-il structurer la filière. Les recommandations issues des ateliers de réflexion sont claires: créer une coopérative nationale de safraniers, identifier les sites pilotes, élaborer une stratégie commerciale ciblée et surtout bâtir une identité forte via un label algérien. Le chemin est long, mais le safran offre à l’Algérie une promesse rare: transformer un produit de niche en levier de croissance, de développement local et d’image internationale. L’or rouge pourrait bien devenir un symbole de la nouvelle agriculture nationale.