Manger ce qu’on produit et peu de ce qu’on nous impose de l’étranger, c’est un peu ce que résumerait la devise de l’Algérie dans le domaine de la sécurité alimentaire. Quels en ont été les sacrifices? Cela n’a pas été facile. Le prix fort a été payé et plutôt que prévu. Le pays a déclenché une guerre sans merci contre les flambées des prix des produits agricoles pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens. En 2024, rappelons-le, l’indicateur mondial de la sécurité alimentaire a classé l’Algérie au 54ème rang sur 113 pays dans le domaine de l’amélioration de la sécurité alimentaire. C’est un fait. Cependant, comment le pays est-il parvenu à progresser ses performances? La sécurité alimentaire dépendait pour 70% des importations de céréales et de leurs chaînes d’approvisionnement, en raison de la persistance du durcissement climatique et de son impact sur la sécheresse, en plus d’un manque d’attractivité de l’investissement agricole. Ce n’est pas tout, puisque l’Algérie a adopté des mesures et des stratégies pour relancer le secteur agricole dans l’optique d’une progression des indicateurs de la sécurité alimentaire, avec pour objectif d’atteindre une autosuffisance alimentaire. En 2024 et 2025, les premiers fruits de ces mesures stratégies ont été récoltés malgré les contraintes. Un bilan est livré, dans ce sens, par le président de la République, au Sommet des Nations Unies pour les systèmes alimentaires (Ethiopie). Le Chef de l’Etat a mis en avant, ce lundi, les efforts consentis par l'Algérie pour réaliser sa sécurité alimentaire, à travers l'adoption de plusieurs stratégies de soutien à l'investissement dans le secteur agricole et la mobilisation des ressources en eau, tout en faisant face aux effets du changement climatique. Parmi ces mesures, la création de marchés de proximité producteurs- consommateurs durant les Ramadhans et de centres de stockage intermédiaires des céréales dans les 1.541 communes d’Algérie, la relance de la production agricole par le dispositif de la concession et de mise en place de systèmes d’irrigation efficaces et modernes, la création des cultures dites stratégiques, les extensions du Barrage vert, le soutien et l’accompagnement des investisseurs agricoles, l’intensification des nombres de zones de stockage de produits et des chambres froides, la mise en place de dispositifs d’indemnisation des fellahs en cas de sécheresse, la régularisation de la situation administrative des agriculteurs n’ayant pas eu leurs actes, outre évidemment l’encouragement des certaines filières par le renforcement du rôle de la femme rurale pour apporter de la plus value à l’économie nationale, dépendant auparavant de près de 80 % des importations. Et ce n’est là qu’un échantillon de mesures prises par l’Etat pour améliorer la sécurité alimentaire. Dans une allocution lue en son nom par le ministre du Commerce extérieur, M. Kamel Rezig, lors des travaux du 2e Bilan du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires (UNFSS+4) à Addis-Abeba, le président de la République a indiqué que l'Algérie avait "adopté plusieurs stratégies et politiques visant à réaliser la sécurité alimentaire et l'autosuffisance en produits agricoles et d'origine animale, en tenant compte des dimensions climatique, sanitaire et économique, pour atteindre des systèmes alimentaires résilients, inclusifs, sains et durables". "L'Algérie a mis en place une feuille de route nationale de transformation durable des systèmes alimentaires avec l'adoption de mesures pratiques répondant à l'appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies, en 2023, à travers une gouvernance institutionnelle pour la transformation des systèmes alimentaires au niveau national, avec la participation de tous les Départements ministériels concernés", a précisé le président de la République. Pour ce faire, "une approche participative a été adoptée, associant différents acteurs nationaux et représentants d'organisations non gouvernementales et du mouvement associatif, en particulier les organisations professionnelles, ainsi que des chercheurs et des universitaires, en accordant une importance particulière aux femmes et aux jeunes", a-t-il expliqué. Le président de la République a fait état du renforcement des secteurs stratégiques, notamment la culture céréalière, à travers "des mesures incitatives et l'augmentation des capacités de stockage et de réfrigération, afin de renforcer la sécurité alimentaire, de maintenir la stabilité des prix et de lutter contre le gaspillage". Il a cité, dans ce cadre, "la réalisation de 30 silos de stockage d'une capacité de 100.000 tonnes chacun, avec la mobilisation de 350 centres de stockage de proximité d'une capacité de 5.000 tonnes et l'augmentation de la capacité de réfrigération, à travers la construction de petites et moyennes chambres froides au niveau national, avec l'octroi de facilités aux investisseurs dans ce domaine". L'Algérie encourage aussi l'agriculture saharienne en y consacrant "400.000 hectares de terres agricoles, avec pour objectif d'atteindre un million d'hectares en 2025, ce qui constitue un exploit inédit pour faire face aux difficultés environnementales et relancer la vie dans un environnement rude", a poursuivi le président de la République. Pour faire face aux effets du changement et du réchauffement climatiques, l'Algérie a adopté une stratégie ambitieuse reposant sur trois axes, consistant essentiellement en la réalisation de grands transferts d'eau à partir des régions enregistrant un excédent dans les réserves d'eau pluviale vers les régions en déficit, l'augmentation de la capacité de stockage avec la construction de barrages et la mobilisation des ressources en eau non conventionnelles à travers le dessalement de l'eau de mer, a encore fait savoir le président de la République, rappelant la mise en service, en 2025, de cinq grandes stations de dessalement d'eau de mer d'une capacité de 1,5 million m3/jour. Le président de la République a évoqué les projets de traitement et d'assainissement des eaux usées et l'utilisation de techniques d'irrigation économes en eau dans environ 60% des terres irriguées en Algérie, rappelant aussi l'extension du projet de barrage vert. Ce projet, a-t-il dit, prévoit une extension de 300.000 hectares et la réhabilitation et le développement de 500.000 hectares, avec "la relance d'un projet forestier visant à créer des puits de carbone naturels sur environ 520.000 hectares, la plantation de 423 millions de plants dont 300 millions au titre du boisement et du reboisement, 12 millions pour la réhabilitation des paysages forestiers et 3 millions pour le développement de l'agroforesterie". Toutes ces mesures ont contribué à améliorer le climat de l'investissement, à travers la facilitation de l'accès au foncier agricole, notamment dans le sud du pays, la distribution gratuite de semences, le soutien aux moyens d'irrigation économes en eau, la création d'un couloir vert pour faciliter l'accès au foncier agricole et aux autorisations de forage et le raccordement au réseau électrique dans le sud algérien ainsi que l'autorisation de l'exploitation du foncier forestier, a soutenu le président de la République. Il a, à ce propos, évoqué les mesures spéciales visant à faciliter l'accès au financement, notamment via l'Agence nationale d'appui et de développement de l'entrepreneuriat (NESDA) et l'Agence nationale de gestion du microcrédit (ANGEM), parallèlement au lancement de projets "d'envergue structurants" en partenariat avec des entreprises étrangères d'Italie et du Qatar, notamment dans les chaînes de production stratégiques comme les céréales et le lait. Par ailleurs, et après avoir souligné l'importance de cette réunion en tant qu'"étape charnière" dans l'évaluation périodique de la situation alimentaire, adoptée depuis le Sommet de 2021, en passant par le Sommet de Rome tenu en 2023, le président de la République a réaffirmé l'engagement de l'Algérie en faveur du développement durable en Afrique, en général, notamment à travers la Déclaration de Kampala (2025) pour le renforcement des systèmes alimentaires 2026-2035. Le président de la République a également réaffirmé l'engagement de l'Algérie à "aller de l'avant dans la réalisation d'une transformation durable des systèmes alimentaires, à même de contribuer à la réalisation de la sécurité alimentaire nationale et mondiale", réitérant son appel aux investisseurs à "investir en Algérie qui offre actuellement des conditions favorables et compétitives permettant de réaliser des investissements avantageux". Le président de la République a rappelé, dans ce cadre, l'achèvement par l'Algérie de son tronçon de la route transsaharienne reliant Alger à Lagos et l'ouverture de lignes maritimes avec la Mauritanie et le Sénégal, ce qui contribuera, a-t-il dit, au "renforcement des chaînes d'approvisionnement indispensables à la concrétisation de systèmes alimentaires durables". De plus, ajoute le président de la République, l'année en cours a vu un "exemple vivant" de la coopération entre les Etats touchés par l'invasion du criquet pèlerin en Afrique du Nord, "à travers le soutien apporté par l'Algérie aux pays limitrophes en matériels et en pesticides et la facilitation du travail et du déplacement des équipes de la Commission de lutte contre le criquet pèlerin dans la région occidentale".
Sécurité alimentaire et changement climatique. Les stratégies adoptées par l'Algérie
- par B. Habib
- Le 29 Juillet 2025
- 128 visites
