Gaza étranglée, vies suspendues

Par-delà les discours diplomatiques et les chiffres qui s’empilent dans les bilans, Gaza étouffe. Alors que l'attention se détourne vers l'Iran, Gaza sombre dans l'oubli et la famine. Coupés du monde par des coupures de communication prolongées, les habitants ignorent les ordres d’évacuation alors que les frappes continuent. L’aide humanitaire peine à entrer, entravée par les autorités israéliennes. La guerre se poursuit avec «une force extrême», mais désormais dans un silence assourdissant, où la faim devient une arme de plus. L’Organisation mondiale de la santé a tiré la sonnette d’alarme : le système de santé est à un point de rupture. À bout de carburant, à court de soins, les hôpitaux encore debout ne tiennent plus que par miracle – ou par obstination. Sur 36 établissements, seuls 17, amputés de la moitié de leurs capacités, tentent encore de fonctionner. Les générateurs, dernière ligne de défense face à l’obscurité et la mort, n’ont bientôt plus de quoi tourner. Les incubateurs s’arrêtent, les dialyses cessent, les ambulances restent à l’arrêt. Et avec elles, des vies entières. À Rafah, bastion médical désormais réduit à trois structures à peine fonctionnelles, la situation est critique. Impossible d'accéder aux stocks de carburant bloqués dans les zones d’évacuation. Plus de 55.000 Palestiniens ont péri depuis le 7 octobre, selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas, jugés fiables par l’ONU. Une tragédie en spirale, où l’effondrement du système hospitalier annonce une vague de décès évitables à venir. Sur le terrain, l’aide humanitaire est entravée, parfois mortellement. À Khan Younès, une frappe aérienne israélienne aurait été suivie de tirs sur une foule rassemblée près d’un centre de distribution. Résultat : 51 morts et plus de 200 blessés. À Rafah, la veille, 20 autres civils ont succombé. Les victimes attendaient de quoi survivre. Elles n’ont reçu que la guerre. Israël affirme vouloir contrôler l’aide pour éviter qu’elle ne tombe entre les mains du Hamas. Mais les principales agences humanitaires dénoncent un dispositif inefficace et contraire aux principes du droit humanitaire. Résultat : la famine s’installe, sourde et implacable, dans un territoire où vivent encore deux millions de personnes. À Genève, la Commission d’enquête de l’ONU, présidée par Navi Pillay, a livré un constat glaçant : Gaza subit l’attaque «la plus impitoyable depuis 1948». Plus de 90 % des écoles détruites, 53 % des lieux religieux anéantis, des frappes qualifiées de crimes de guerre, et une volonté apparente d’éradiquer l’identité culturelle palestinienne. Gaza ne meurt pas en silence. Elle meurt à la lumière du jour. Et le monde regarde, parfois commente, mais rarement agit.


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