Famine à Gaza, crime en cours

Dans les décombres de Gaza, ce ne sont pas seulement les bombes qui tuent, c’est la faim, sourde, lente, méthodique. Depuis des mois, l’armée israélienne encercle, affame, asphyxie une population piégée. L’aide humanitaire, vitale, est réduite à un filet, au bon vouloir d’un pouvoir d’occupation qui, selon l’ONU, transforme la famine en outil militaire. Une centaine de camions d’aide par jour entrent péniblement dans une enclave où il en faudrait au moins 600 pour répondre aux besoins. Résultat: des enfants meurent de malnutrition. Déjà 58 morts. Et ce n’est qu’un début, avertissent les agences onusiennes. Le pape a lancé un appel à la pitié. Le chef de l’OMS, Tedros Ghebreyesus, aussi. Mais leurs mots, aussi justes soient-ils, se perdent dans le vacarme assourdissant du silence occidental. L’Europe proteste à demi-mot, hésite entre condamnations molles et déclarations prudentes. Les États-Unis, fidèles alliés d’Israël, ferment les yeux. Et pendant ce temps, les boulangeries ferment, les hôpitaux manquent de tout, les enfants s’éteignent. «La population manque de tous les besoins de base: nourriture, eau, soins, carburant…», se désole le Dr Mohammed Abu Mughaisib, coordinateur médical adjoint pour les opérations de Médecins sans frontières (MSF) à Gaza. «Elle est dans une situation plus que catastrophique, qui s’est dégradée dramatiquement depuis l’offensive israélienne du 18 mars». Ce jour-là, les bombardements de l’armée ont fait voler en éclats le cessez-le-feu en vigueur depuis le 19 janvier. À l’ombre de ce silence, Israël tente de réorganiser la distribution d’aide en dehors des circuits de l’ONU, sous la surveillance de groupes armés privés, dans une manœuvre dénoncée comme cynique et dangereuse. Une manière de déplacer les populations, en affamant les zones ciblées. Le commissaire de l’UNRWA, Philippe Lazzarini, y voit un objectif militaire camouflé sous un vernis humanitaire. Dominique de Villepin, lui, parle sans détour d’un plan de déportation, d’un nettoyage ethnique. La famine, en droit international, utilisée à dessein, est un crime de guerre. À Gaza, elle est planifiée. Israël ne tue pas seulement avec ses bombes, il tue avec la faim. Et le monde regarde, impuissant ou complice. Il est temps d’appeler les choses par leur nom: une guerre d’extermination est en cours. Et si rien ne change, l’histoire retiendra que nous savions. Et que nous avons laissé faire.


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