Le gaz algérien trace sa voie en Europe

Dans une Europe en pleine recomposition énergétique où les pipelines se tarissent et les terminaux GNL s’activent, l’Algérie fait figure d’exception. Tandis que les importations européennes de gaz par gazoducs ont chuté de 10 % au premier semestre 2025, Alger affiche une croissance de 2 % de ses exportations vers l’Union européenne. Un paradoxe salutaire dans un marché sous tension. À l’heure où la Russie s’efface des radars gaziers du continent – conséquence directe de la guerre en Ukraine et de la fin du transit via Kiev – les flux algériens, eux, continuent de couler vers l’Italie et l’Espagne, consolidant le rôle stratégique du pays maghrébin dans la carte énergétique européenne. Cette stabilité ne doit rien au hasard. Elle repose sur une combinaison de facteurs: proximité géographique, continuité des investissements dans les infrastructures et, surtout, un partenariat renforcé avec les États du sud européen, désireux de sécuriser leurs approvisionnements. Mais ce tableau flatteur ne doit pas occulter les fragilités. Côté GNL, les exportations algériennes ont reculé de 23% sur la même période, plombées par des arrêts techniques, notamment à Skikda. Malgré une reprise modérée au second trimestre, avec 2,55 millions de tonnes expédiées, le niveau reste inférieur à celui de 2024. Le signal est double: l’Algérie conserve une position stratégique dans l’approvisionnement en gaz par gazoduc, mais peine à maintenir son rythme sur le marché très concurrentiel du GNL. Ce recentrage vers l’Europe – Turquie et France en tête – témoigne néanmoins d’une logique de rapprochement dictée par la géopolitique. Bruxelles, de son côté, met les bouchées doubles pour se défaire du gaz russe: projets d’interdiction d’importations d’ici 2027, durcissement réglementaire, transparence accrue sur les contrats et nouvelle stratégie de diversification. Dans ce contexte, les fournisseurs jugés “fiables” comme l’Algérie deviennent précieux. L’avenir du gaz en Europe s’annonce moins central: baisse attendue de 25 % des importations d’ici 2030, montée en puissance du renouvelable, efficacité énergétique accrue. Dans cette transition, le rôle de l’Algérie ne sera pas seulement de livrer du gaz, mais de s’adapter à un partenaire européen qui consomme différemment. L’heure européenne n’est plus à la dépendance, mais à l’interdépendance stratégique. Et l’Algérie, pour l’instant, joue bien sa partition.


ads