El Kenna, la cuisine et la serpillère

Pauvre fille ! Aussitôt mariée, aussitôt les corvées. Pas le temps de respirer, de savourer son mois de noce. Et puis quel mois de noce ? Dans cette famille, on connait pas ça. La mariée doit, dès le premier jour, montrer ses compétences, laver, repasser, cuisiner, passer la serpillère. Voilà ce qu'elle doit faire. Elle doit bien mettre ça dans la tête et que ça saute. Le mari n'a pas à se mêler, c'est El Adjouz qui commande, qui donne les ordres et qui répartie les tâches. Et puis, ces mauvaises habitudes comme aller chez la coiffeuse, faire les ongles ou les balades en ville, ici, c'est tabou. Il n'en est pas question. Ici, on se lève tôt, c'est pas le boulot qui manque. Et la fête est fini. Le linge sale, il ne va pas se laver tout seul, n'est-ce pas ? Et la bouffe ? Qui va s'en occuper ? Tout doit être prêt à midi. Alors, il faut se hâter, il y a mille et une chose à faire, on n'a pas toute la journée. La pauvre mariée ne sait plus où se donner de la tête, elle est mise à rudes épreuves. Même le temps d'appeler sa mère pour avoir de ses nouvelles ou peut-être pour se plaindre de ce calvaire qu'elle n'imaginait même pas. Elle est constamment sous pression. La maitresse de maison lui impose un rythme infernal et une discipline militaire. Petit à petit, cette fille si belle et si jeune ressemble à une loque, une épave. Cheveux démêlés, visage pâle et anémique, allure nonchalante, elle sait ce qui l'attend dès le réveil. Parfois, elle ose se plaindre à son mari mais celui là reste de marbre, incapable de lui donner raison ou de compatir à sa peine. Il préfère se déguerpir tôt le matin pour ne rentrer que tard le soir. Elle par contre, elle doit faire face à cette dame impitoyable qui ne lui donne pas une minute de répit.

Email: le carrefourdoran@yahoo.fr


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