Quand Oran perd ses quartiers d’antan

Les anciens quartiers populaires d’Oran comme Eckmühl, Boulanger, El Hamri, Médioni, Brunie, Choupot, Petit Lac ou la Cité Petit étaient rythmés par la vie dans les hawchs, ces habitations solidaires qui ont aujourd’hui disparu sous les tours et les immeubles, mais restent vivants dans la mémoire des habitants. Oran a changé de visage au fil des décennies. Derrière les tours qui dominent aujourd’hui le paysage urbain, se cache une autre ville, faite de ruelles, de cours communes et de maisons individuelles et collectives (hawchs) ces anciennes habitations traditionnelles qui ont longtemps structuré la vie sociale des quartiers populaires, dans ces quartiers, avant l’arrivée des immeubles, ces derniers formaient de véritables noyaux de vie. Plusieurs familles y partageaient une même cour, l’eau, le four, parfois même le repas. La solidarité n’était pas un slogan mais une pratique quotidienne. Les enfants grandissaient ensemble, surveillés par tout le quartier, et les anciens faisaient office de mémoire vivante. Cette réalité n’était pas propre à certains quartiers mais dans toute la ville. Les hawchs donnaient à Oran une dimension humaine. Chaque quartier avait son rythme, ses figures connues, ses commerces de proximité et ses traditions. On y vivait modestement, mais rarement seul. Avec les grandes opérations d’urbanisme, ces habitations ont été progressivement démolies. Les hawchs ont cédé la place aux immeubles et aux tours, censés répondre à l’urgence du logement. Si le béton a permis de loger davantage de familles, il a aussi effacé des repères sociaux et un mode de vie fondé sur la proximité et l’entraide. Aujourd’hui, dans ces mêmes quartiers, les immeubles se dressent là où s’étendaient autrefois des cours animées. Les voisins se croisent sans se connaître, les portes restent fermées, et les enfants jouent moins dans les espaces communs. Le silence a remplacé les voix, et l’anonymat a pris la place de la solidarité. Rappeler l’existence des hawchs à Oran, ce n’est pas rejeter la modernité, mais interroger la manière dont la ville s’est transformée. Ces quartiers portent encore, sous le béton, les traces d’une Oran populaire, chaleureuse et profondément humaine. Car une ville ne se mesure pas seulement à la hauteur de ses tours, mais à la mémoire de ses quartiers et à la vie qui les animait.


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