Le mois d'Octobre Rose transcende son statut de simple campagne de sensibilisation pour devenir, dans le contexte algérien, le catalyseur d'une action de santé publique d'une impérieuse nécessité. Le lancement ce jeudi d'une caravane médicale vers les régions méridionales de la wilaya de Sidi Bel Abbès par l’hôpital de gynécologie-obstétrique Ben Aïssa Mira, en collaboration avec l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA), ne constitue pas seulement une démarche de proximité, mais une réponse tactique aux défis structurels et socio-culturels qui entravent le dépistage précoce du cancer du sein. Cette initiative, ciblant prioritairement les femmes au foyer et celles des zones enclavées, s'attaque de front à l'inégalité d'accès aux soins. En Algérie, le cancer du sein est le premier cancer féminin, avec une incidence estimée à plus de 13 000 nouveaux cas par an et une particularité démographique alarmante, il frappe souvent la femme à un âge plus jeune que dans les pays occidentaux, avec un âge moyen au diagnostic autour de 47 ans. Face à cette épidémiologie préoccupante, le déploiement de cette caravane allant jusqu'à frapper aux portes pour vaincre les réticences illustre l'ampleur de la mission : dépasser les obstacles logistiques, financiers et psychologiques. Les chiffres récoltés lors de la campagne précédente à Sidi Bel Abbès sont éloquents : sur 1.511 consultations, incluant 870 mammographies, 30 cas de cancer du sein ont été confirmés. Ces statistiques, au-delà des nombres bruts, mettent en lumière des cas dramatiques de diagnostics tardifs nécessitant des traitements lourds (mastectomie, chimiothérapie, propagation métastatique).
Un point d'inflexion sociologique majeur réside dans la confirmation de la maladie chez de très jeunes patientes (18, 20 et 28 ans), une réalité qui dément l'idée d'une maladie n'affectant que les femmes mûres et qui exige une révision des protocoles de dépistage pour intégrer plus largement les tranches d'âge jeunes. Le succès d'une telle campagne ne dépend pas uniquement de l'expertise médicale, mais de sa capacité à dissiper les tabous sociaux et la peur qui, dans ces zones rurales, constituent une véritable barrière au dépistage. Le refus de l'examen, souvent dicté par des considérations culturelles ou un manque d'information, transforme le dépistage en un acte de militantisme pour les équipes soignantes. L'appel à l'engagement des hommes (époux, pères, frères) pour encourager leurs proches à se faire dépister introduit une dimension de responsabilité collective et de changement de paradigme social. Il s'agit de faire comprendre que le dépistage précoce n'est pas une simple recommandation médicale, mais un facteur déterminant de survie : il permet d'éviter l'arsenal thérapeutique le plus lourd (chimiothérapie, radiothérapie, ablation du sein) et augmente significativement les chances de guérison tout en préservant la qualité de vie. Tout retard est un luxe que la santé publique algérienne ne peut plus se permettre. En définitive, la caravane d'Octobre Rose à Sidi Bel Abbès est un laboratoire de résilience sanitaire et sociale. Elle expose la vulnérabilité des populations enclavées tout en offrant un modèle d'intervention où l'humanisme médical s'allie à l'urgence statistique pour une victoire contre le cancer qui doit être remportée sur le terrain de la prévention.
Sidi Bel Abbes. Lancement de la caravane rose d'octobre
- par Mohamed Nouar
- Le 04 Octobre 2025
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