Armes chimiques françaises utilisées en Algérie. Témoignages sur une guerre occultée

Les armes chimiques, utilisées durant la guerre d’Algérie par les forces armées françaises, en dépit de leur interdiction par le Protocole de Genève, pourtant signé par la France. Il s’agit majoritairement d’un gaz appelé CN2D, utilisé pour torpiller les grottes et souterrains par quoi transitaient les combattants algériens et le napalm sur les forêts et les villages. Mais la première utilisation contre les populations algériennes des armes chimiques par l’armée coloniale remonte exactement à 1830, selon un chercheur algérien, Amar Mansouri, qui avait déjà déploré un bilan de 780 morts à cette époque.
Cette révélation avait certes eu l’effet d’une vraie «bombe» démontrant que les armes chimiques françaises ne datent pas seulement de la guerre d’Algérie mais pourraient remonter à une date beaucoup plus lointaine, probablement durant les guerres de résistance de Zaatcha et des cheikhs Bouamana Boubaghla ou encore Hadad. La polémique suscitée par un documentaire sur la chaîne France 5 qui lève le voile sur l’utilisation des armes chimiques pendant la guerre de la révolution, serait un non évènement parce que cette utilisation remontre beaucoup plus loin en arrière que l’on pourrait le croire, même si tout le monde, y compris les spécialistes de l’écriture de l’histoire commune, s’accordent à dire aujourd’hui que le recours par la France coloniale aux armes chimiques en Algérie «est un secret de polichinelle». Longtemps occultée, cette page encore sombre et peu médiatisée sur l’usage par la France des armes chimiques (sarin, butane, phosphore etc…) est ressortie pour la première fois, du côté français, dans un documentaire qui lève le voile sur l’ampleur du recours aux armes chimiques par les autorités coloniales françaises en Algérie. Après avoir été retiré de la grille de France 5, il est reprogrammé pour le dimanche 8 juin 2025 sur France 5 et France.tv. Le documentaire de Christophe Lafaye et Claire Billet avait déjà suscité une vive polémique, cinq jours avant sa date de diffusion initiale, le 11 mars 2025. Ce documentaire même s’il conforte largement la piste d’une possible criminalisation de la France coloniale pour ses usages des armes chimiques en Algérie, a cependant la particularité de «concentrer» cette utilisation des armes chimiques seulement durant la guerre de la révolution, ce qui s’inscrit en porte-à-faux par rapport aux témoignages précédents de chercheurs algériens. Il s’agit, à première vue, d’un documentaire fait intelligemment, reculant l’usage des armes chimiques en Algérie à l’époque de la révolution, une manière d’occulter ce qui avait été déjà fait par la France pendant la résistance algérienne. Dans un contexte tendu des relations franco-algériennes, cette décision de déprogrammer le documentaire en faveur d’une soirée spéciale États-Unis/Russie, avait indéniablement provoqué un débat. Pourtant, plus que jamais d’actualité, ce travail de mémoire donne la parole à des témoins de cette page d’histoire peu connue. Armand Casanova, ayant servi dans une Section Armes Spéciales en Algérie, se souvient encore, soixante ans après, de «l’odeur du gaz et de celle de la mort».
France Télévision revient sur sa décision et reprogramme le documentaire sur les crimes chimiques en Algérie. À partir de 1959, confrontée à l’Armée nationale de Libération et à l’usage des souterrains par les combattants algériens, les forces coloniales françaises décident d’expérimenter puis de généraliser l’usage de gaz, des armes interdites par le protocole de Genève (1925), pour tenter de reprendre l’avantage. Cette histoire, potentiellement qualifiable de crime de guerre, demeure largement ignorée. Explication: un crime de guerre est une violation grave réprimée par les lois de la guerre alors que la résistance en guerre est une action qui permet de s’opposer à un occupant par la force d’un territoire ou à une force ennemie pendant un conflit armé. Et à ce niveau de débat, il faut espérer trouver une explication franche et honnête de savoir pourquoi les Français disent que les armes chimiques ont été utilisées pendant la guerre d’Algérie et non pas depuis 1830? Une chose reste néanmoins certaine. À travers ce documentaire, l’historien Christophe Lafaye ainsi que la journaliste Claire Billet révèlent enfin ce secret: «Une véritable guerre chimique a été menée en Algérie». S’appuyant sur les recherches et archives de l’historien Christophe Lafaye, le film de la réalisatrice Claire Billet, enrichi de témoignages de soldats français et d’Algériens ayant vécu cet épisode et ceux d’experts en armes nucléaires, biologiques et chimiques, détaille le contexte et l’ampleur de cette guerre chimique menée en Algérie.
Le film révèle comment les autorités françaises ont ordonné, testé et massivement utilisé des gaz toxiques pour éliminer les combattants algériens dans les grottes. En effet, l’historien estime qu’entre 5.000 et 10.000 combattants ont été assassinés. En Algérie, ils ont trouvé des victimes de ces attaques chimiques pour leur donner la parole: Amar Aggoun avait 15 ans, Mohamed Ben Slimane Laabaci en avait 12, lorsque le 22, 23 mars 1959, une de ces sections a gazé la grotte de Ghar Ouchtouh et a fait 118 personnes mortes intoxiquées, eux plus jeunes ont survécu. Cette utilisation d’armes chimiques, ajoutée à la torture et au déplacement des populations, constitue un exemple des violations des engagements internationaux de la France durant cette guerre coloniale.


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