L’Algérie resserre l’étau autour du fléau de la drogue. Alors que le trafic et la consommation touchent désormais tous les pans de la société, le ministre de la Justice a présenté un projet de loi aux contours sévères, débattu actuellement à l’Assemblée populaire nationale. Peines aggravées – jusqu’à la peine capitale dans certains cas –, criminalisation élargie, dépistages obligatoires: le ton est donné. L’État entend frapper fort. Mais derrière cette réponse sécuritaire, une autre lecture s’impose, plus humaine, plus structurelle. Invité lundi sur les ondes de la chaîne 3 de la Radio algérienne, le professeur Abdelkrim Messaoudi, chef du service de psychiatrie pédiatrique à l’EHS de Chéraga, a livré une analyse sans détour. Selon lui, le texte a le mérite d’apporter un cadre clair pour faire face à un phénomène qui ronge les jeunes dès les bancs de l’école. «Parmi ses articles, la protection des mineurs et des personnes en difficulté car, explique le spécialiste, il a été constaté sur le terrain certaines situations où les mineurs font l’objet d’abus pour les utiliser soit en matière de consommation ou pour la vente de drogue», déplore-t-il. La nouveauté de cette loi réside aussi dans l’instauration de tests antidrogue obligatoires, aussi bien à l’embauche que de manière régulière sur le lieu de travail, notamment dans les secteurs dits sensibles. Une mesure inédite, saluée par le Pr Messaoudi: «Cette loi permettra, en effet, des tests anti-drogue à l’embauche et permettra également à l’employeur de procéder au contrôle de ses employés». Car dans certains domaines, notamment celui de la santé, «le contrôle doit être systématique, de manière périodique», insiste-t-il. Mais la répression ne saurait suffire. Le Pr Messaoudi rappelle avec force que la prévention doit rester la priorité, surtout en milieu scolaire. «C’est ce qu’il faut pour les élèves», affirme-t-il, plaidant pour une approche collaborative entre les institutions, les associations et les jeunes eux-mêmes. Ce projet de loi, ambitieux et rigoureux, illustre une volonté politique claire. Mais s’il veut produire des effets durables, il devra s’adosser à un véritable travail de terrain où la prévention et la prise en charge psychologique deviennent des piliers aussi solides que la justice pénale. Car face à un poison aussi diffus, il ne suffit pas de punir: il faut comprendre, prévenir et reconstruire.