L'Algérie célèbre, aujourd’hui, la Fête de la Victoire, marquant le 63ème anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars 1962, un anniversaire qui intervient dans une conjoncture particulaire, marquée par une tension inédite entre Alger et Paris. Les accords d’Evian ont mis fin à 132 ans d’occupation, de spoliation et de crimes contre l’humanité, perpétrés par la France coloniale qui se targue de pays des Droits de l’Homme. L'Algérie a recouvré sa souveraineté nationale grâce à la combinaison de la lutte armée et de l'action politique et au soutien populaire que la Révolution a reçu, malgré toutes les tentatives du colonialiste français de nier les faits. 63 ans après ces accords, l’Algérie et la France traversent une zone de grandes turbulences, marquées notamment par la montée de l’extrême droite raciste dont l’Algérie lui est devenue une obsession au quotidien, à travers ses hérauts patentés au sein du gouvernement français. L'acharnement de l'extrême droite française sur l'Algérie, relayé par des médias qui ont pris fait et cause pour cette mouvance, ont fait de l’Algérie, une question intérieure française qui marque la déliquescence politique de la 5e République.
L'algérophobie est devenue ainsi une rente politique pour les revanchards et autres nostalgiques de l’Algérie Française et du paradis perdu qui mènent, à tambour battant, une campagne de stigmatisation délirante contre l’Algérie. Bruno Retailleau, un triste personnage au passé sulfureux et nostalgique de l'esprit colonialiste, ne rate aucune occasion pour cracher son venin, en usant de procédés machiavéliques se dissimulant derrière un "cache-misère" pour souffler sur le brasier de la crise diplomatique inédite avec Alger. L’Algérie, durant toute cette campagne haineuse, est restée digne, forte et imperturbable, en réaffirmant, à chaque fois que besoin est, son rejet catégorique des menaces et des velléités d’intimidation ainsi que des injonctions, des ultimatums et de tout langage comminatoire. Plus de soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, l’histoire semble se répéter pour cette France qui a vu, en 1958, la chute de la IVe République dont la principale cause était…la Question Algérienne. Pour beaucoup d’observateurs, cette chute a été précipitée par l'instabilité gouvernementale chronique de l’époque, ajoutée aux combinaisons partisanes, l'impuissance du Parlement et l'incapacité des pouvoirs publics à résoudre la question algérienne. C’est la même situation qui prévaut actuellement en France; ce sont certainement les prémices qui vont accélérer cette fois-ci la chute… de la Ve République qui ne saurait tarder. La commémoration du 63e anniversaire des accords d’Evian est une occasion de rappeler que l’Algérie a accepté le cessez-le feu, après la Révolution du 1er Novembre 1954, menée au départ par une poignée de militants et de maquisards certes, mais résolus qui - après épuisement de tous les moyens antérieurs de lutte et de revendications émancipatrices - avec détermination, avaient bouleversé, par l’action directe, le cours de l’histoire, en s’adressant, en Novembristes, au peuple algérien en ces termes homériques: «A vous qui êtes appelés à nous juger…». La célébration du 63e anniversaire de la Fête de la Victoire, proclamée au lendemain de la signature des accords d'Evian, marque la fin d'une longue guerre de libération et d'un combat courageux et héroïque des Algériens contre le colonialisme français. Le 19 mars 1962 reste une date importante pour une génération qui n’arrive toujours pas à oublier ce souvenir d’une victoire malgré les sacrifices d’une guerre dure. «Respirer la liberté» après des années du colonialisme était, pour ces gens-là, une seconde vie dans une Algérie qui se prépare pour l’indépendance. L'annonce officielle du cessez-le-feu conclu le 18 mars à Evian, a été ainsi accueillie avec une immense et incommensurable joie par les moudjahidine des maquis de l`Armée de libération nationale (ALN) et par l’ensemble du peuple algérien qui venait de retrouver sa liberté et sa souveraineté. Dans les villes, on attendait les nouvelles de retrouver justement les combattants vivants et des s’enquérir des leurs, un mari, un fils ou un parent encore en vie. «C’était d’abord des retrouvailles avec nos familles et les gens de nos villages, mais c’était aussi très pénible d’annoncer la mort d’un proche pour quelqu’un qui l’attendait», nous dira un ancien moudjahid qui a croisé, pour la première fois, sans accrochage, les soldats de l’armée française. «Nous les avons croisés, après l’annonce du cessez-le feu ; l’un des soldats français disait à ses camarades: «Regarde les fellagas, en nous ne quittant pas des yeux», nous dira encore notre interlocuteur, avec émotion, lui qui était au PC de la wilaya III historique, dirigé par des grands de la Révolution Algérienne. Les comités de suivi du cessez-le-feu étaient aussi un autre souvenir pour les moudjahidine de la Vallée de la Soummam qui se rappellent de cette difficulté de gérer ce dossier avec les Français qui étaient des forces ennemis. «C’était au début, un climat de suspicion et puis on est arrivé par la suite à gérer ce dossier, mais ce n’était pas facile avec la présence de harkis qui rôdaient encore dans les parages», nous dit-on de cette date qui marque la victoire. Pour les familles de chouhadas, c’était aussi le début de recherches des leurs, les chercheurs d’os, comme les as surnommés «Tahar Dajout» qui étaient à la recherche des ossements des leurs, pour les déterrer dans la douleur, mais avec émotion et fierté. Les négociations d’Evian qui avaient débuté le 20 mai 1961 et suspendues à plusieurs reprises, ont été marquées par l’obstination de la partie française qui avançait trois propositions, rejetées par la délégation algérienne. Ces propositions concernaient le maintien du Sahara algérien et la base navale de Mers El-Kébir (Oran) sous domination française, et la question du million de Français établis en Algérie. Pour feu Rédha Malek, porte-parole de la délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), dirigée alors par Karim Belkacem, avant d'aboutir au paraphe des Accords d`Evian, signés le 18 mars 1962 consacrant l’indépendance du pays, la délégation algérienne avait rejeté, tout au long de ces négociations, toutes les propositions présentées par la France, hypothéquant la souveraineté nationale après l`indépendance". «La délégation algérienne avait campé sur sa position au sujet du Sahara qu'elle était déterminée à défendre coûte que coûte, avant de convenir avec la délégation française du maintien des investissements français au Sahara pendant une durée de trois ans, notamment après la découverte de pétrole», c’est ce que tenaient à réaffirmer, à chaque fois, besoin est, les historiens des deux rives de la Méditerranée. «Pour ce qui est du statut des Français d’Algérie après l’indépendance, les deux parties sont parvenues à un accord, accordant un délai de trois ans aux Français pour choisir la nationalité algérienne ou de garder leur nationalité française et être traités conformément aux lois qui régissent les étrangers en Algérie», disaient les mêmes spécialistes de la guerre d’Algérie, réfutant du coup le fameux slogan «la valise ou le cercueil». Par ailleurs, «la proposition présentée par la partie française concernant la Base navale de Mers El-Kébir pour l’exploiter pendant 99 ans a été rejetée catégoriquement par la délégation algérienne», note la même source qui précise à propos de ce sujet «qu’il a été convenu d`accorder seulement une concession de 15 ans à la France». "Si le 19 mars 1962, date du cessez-le-feu, a été arraché grâce aux sacrifices des chouhada et moudjahidine, c'est aussi le fruit d'âpres négociations menées par la délégation de l'Algérie combattante qui a fait montre d'une grande intelligence et compétence, en négociant avec l'occupant», estiment les historiens qui sont unanimes à relever «la position historique de cette délégation qui a arraché avec panache l’accord historique qui était l’aboutissement du combat héroïque du peuple algérien, en menant sa glorieuse révolution. Une Révolution du 1er Novembre qui a été aussi, selon les historiens et acteurs de la guerre d’Algérie, l’émanation directe des événements du 8 mai 1945 en Algérie. La proclamation du 1er Novembre 1954, document politique fondamental de la Révolution Algérienne, parmi les plus étudiés par les historiens, n’avait justement pas fait fi du mouvement national depuis la création de l’Etoile Nord-Africaine. Une révolution qui était l’émanation directe des événements de 1945 avec qui le lien était tellement étroit qu’il mérite d’être souligné, mais à la différence que le peuple algérien qui y a manifesté alors, croyait encore en la possibilité de recouvrer ses droits par des moyens pacifiques.
63 ans après les accords d'Évian. Algérie-France: Des relations toujours sous tension
- par Hocine Smaali
- Le 18 Mars 2025
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