Retour à l’histoire d’un héros national

Certains journalistes et autres voix politiques de l’Hexagone, à la vue étriquée par des œillères portées en fonction de la nature particulière des sujets à traiter, se sont offusqué (pardonnez la légèreté du mot) d’apprendre que le président français ait instruit son ambassadeur à Alger de déposer une gerbe de fleurs sur la tombe du héros national, Larbi Ben M’Hidi dont il vient de reconnaître d’ailleurs son assassinat expéditif par les militaires français en 1957. Les membres gravitant autour de ce microcosme, au champ de vision lamentablement réduit, vont jusqu’à qualifier le supplicié sous la torture barbare, ô comble de l’aberration, de terroriste, ni plus ni moins! Alors qu’il est considéré en France même comme le semblable de Jean Moulin, en référence à une figure de la résistance face aux nazis. Comment appelleriez-vous alors des militaires qui assassinent froidement et cruellement, dans leurs geôles, un détenu, pieds et poings liés? Des héros intrépides, auteurs d’un haut fait d’armes peut-être ? À ceux-là, rappelons-leur ce qu’à dit de lui le colonel Jacques Allaire qui l’avait arrêté: «J’aurais aimé avoir un patron comme ça de mon côté, j’aurais aimé avoir beaucoup d’hommes de cette valeur, de cette dimension, de notre côté. Parce que c’était un seigneur Ben M’Hidi». Et ce n’est qu’un extrait des éloges déclamés par cet officier. Aussi au journaliste qui, au moment de son arrestation lui demandait s’il ne trouvait pas lâche de déposer des couffins piégés dans des bars, Ben M’hidi, sans se départir aucunement de son air admirablement détendu, sans aucune illusion sur ce qui l’attendait, répondit avec ce qui allait devenir une citation culte: «Et vous, ne vous semble-t-il pas plus lâche d’utiliser des avions et des chars contre des populations civiles sans défense ? Donnez-nous vos avions et vos chars, nous vous donnerons nos couffins». Le monde entier en resta stupéfait par l’incroyable pertinence de la réponse ! Nous n’avons pas la prétention de clore ici un débat qui dure depuis plus de soixante ans, autour de l’histoire de la guerre de libération. Il y a des spécialistes qui ont été désignés des deux côtés de la Méditerranée pour former une commission paritaire dans ce but. Nous disons simplement qu’il faut faire la part des choses en toutes circonstances.


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