Le monstre de l’informel face à l’absence de vision
Par H. Med Krelifa
L’éradication du commerce informel n’est pas une affaire aisée: c’est un phénomène qui dure depuis des décennies et qui s’est profondément enraciné. Le supprimer, oui, mais pas à n’importe quel prix. Il faut tenir compte de la réalité sociale : ces jeunes, souvent venus de partout, tentent tant bien que mal de gagner leur vie par ce commerce. Les chasser brutalement, sans alternative, c’est ouvrir la voie à d’autres drames sociaux. Malheureusement, ce phénomène dont les causes sont souvent complexes, s’étend et persiste. A Mostaganem, ces commerçants informels sont omniprésents, tous les jours, en particulier à la place Thiers et ses rues adjacentes, à la rue du Lyon, aux Trois Ponts, au niveau des rues Beraïs, Kalbez et Bendoula, aux environs de la semoulerie SEMPAC et le long du centre commercial des Omaras et aux abords de la station de bus. Des opérations “coup de poing” sont parfois menées avec l’appui des services de sécurité, mais elles restent éphémères: dès le départ des policiers, le phénomène reprend aussitôt. Le cas le plus frappant est celui des marchands de poisson vendant des produits douteux, à même le sol, juste devant l’entrée de la poissonnerie, le tout à côté de rigoles crasseuses. Ils font concurrence aux commerçants patentés qui disposent de registres de commerce et s’acquittent de leurs impôts. Au niveau du marché des fruits et légumes d’Aïn Sefra, des stands libres sont disponibles, juste à côté des bâtiments commerçants. Il serait judicieux d’acheminer les commerçants informels vers ce site, afin de les localiser et les encadrer, les contenant dans un espace réglementé. D’autres solutions existent déjà mais sont sous-utilisées: dans chaque cité de Mostaganem, des marchés de proximité fonctionnent presque à vide mais à Tigditt par exemple, le marché couvert reste portes ouvertes mais quasi désert tandis que les marchands de fruits et légumes préfèrent impunément exposer leurs marchandises à même le sol, squattant la placette des Martyrs, transformée en véritable dépotoir malgré son aménagement initial. Aux riverains, il faut aussi y penser et les comprendre, ils ont droit à un confort de vie apaisé, eux qui vivent à présent une situation dans laquelle ils expriment de plus en plus leur exaspération. Ils subissent quotidiennement les nuisances sonores, les attroupements, la saleté, la saturation des passages piétons et l’insécurité liée à cette occupation anarchique de l’espace public. En tout état de cause, il conviendrait de regrouper tous ces jeunes afin d’ouvrir un débat avec eux pour rechercher ensemble des solutions à ce phénomène. Il s’agira notamment d’étudier avec eux les autres possibilités qui les agréent pour leur installation et de les sensibiliser, en leur rappelant leur devoir de citoyen avant tout. Il ne faudra pas craindre ces jeunes, il faut les affronter avec courage, détermination, les écouter, les comprendre tout en démocratisant le débat afin de s’en sortir collectivement d’une manière durable, réaliste et apaisée.
Ce n’est pas ainsi qu’on gère une municipalité de 250.000 habitants. Mostaganem est un territoire parfaitement gérable, mais qui semble naviguer à vue, sans stratégie durable ni vision de long terme.
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Les pleureuses, les professionnelles du chagrin funéraire
Par L. Abdelmadjid
A Mostaganem, pleureuse dans les traditions d’antan était un service que certaines femmes du voisinage exerçaient à l’occasion d’une cérémonie funéraire très fréquemment. A Mostaganem, ce pseudo métier, aujourd’hui disparu, s’associe à certaines coutumes car il s’agissait de s’inviter au domicile du défunt afin de rendre la mort du membre de la famille la plus douloureuse possible.
Ces femmes, pleureuses, d’un certain âge, se mêlaient à la famille endeuillée pour feindre le chagrin et faire pleurer davantage l’assistance présente à la cérémonie d’enterrement. Chez nous, en général, on disposait souvent mais généralement la dépouille au centre d’une pièce entourée de la gente féminine et surtout des pleureuses.
Ces dernières sanglotent pour être rémunérées par la famille du défunt, car on ne s’invite pas à titre gracieux. C’est ainsi qu’elles émettaient des cris et scandaient des moments de la vie dans une ambiance hyper émotive provoquant des pleurs et des gémissements motivant ainsi les autres femmes à suivre le rythme émotionnel. Ces pleureuses se faisaient accompagner par des ‘’neddabettes‘’ pour mieux accentuer l’ambiance funéraire. Ces femmes qui extériorisaient bruyamment leur douleur par des cris, des pleurs et des comportements frôlant parfois l’hystérie, sont des femmes aguerries à ce service. Certains témoignages rapportent qu’à Mostaganem, dans les quartier populaires, les ‘’bekkayetes’’ et les ‘’neddabètes’’ sont invitées à ce rituel, par qui à travers les pleurs, on distingue des bribes de phrases qui éloignaient le défunt et surtout le vide qu’il aura à laisser à ses proches. Tout ceci se fait car les pleureuses connaissaient le disparu car elles sont du voisinage. Ces figurantes endeuillées du rite funéraire constituent l’oraison funèbre du défunt et elles s’y sont érigées en professionnelles de la compassion mais surtout de la douleur et du chagrin funéraire.
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La ville aux 40 marabouts
(1ère Partie)
Par H. Med Soltane
C'est un sujet très riche et fascinant qui touche profondément à l'histoire et à la culture de Mostaganem! On dit souvent de Mostaganem qu'elle est la "ville aux 40 marabouts" (faisant allusion aux "40 chachias" citées dans une ancienne qaçida), mais comme je l'ai mentionné, il y en a en réalité beaucoup plus. Voici un aperçu de l'histoire et de l'importance des marabouts à Mostaganem: Le terme Marabout vient de l'arabe Murabit (pluriel Murabitoun) qui signifie littéralement "celui qui est posté dans un riba?" (une forteresse ou un couvent fortifié). Historiquement, les marabouts étaient des érudits religieux, des enseignants du Coran ou des chefs spirituels qui menaient parfois des guerres saintes. Avec le temps, le terme a désigné des saints hommes soufis (souvent affiliés à des confréries ou tariqas) reconnus pour leur piété, leurs connaissances religieuses et leurs miracles présumés (baraka).
*Rôle social et politique: leur influence n'était pas seulement spirituelle. Ils jouaient souvent un rôle d'arbitrage social, de médiateurs tribaux et certains ont même fondé des dynasties (comme les Almoravides ou Al-Murabi?oun).
*Les Chorfas: Beaucoup de marabouts sont considérés comme des Chorfas (descendants du Prophète Mohammed par sa fille Fatima et son gendre Ali), ce qui leur confère une grande légitimité et vénération.
*Mostaganem: Un foyer spirituel ancestral
L'abondance de marabouts à Mostaganem est liée à son histoire ancienne et à son rôle de carrefour culturel et spirituel.
*Fondation et Protection Spirituelle: la ville de Mostaganem (appelée Mauristaga après l'Islam) aurait été reconstruite sous l'ordre du saint Sidi Abdellah el Khattabi el Idrissi (patron des Médjahers, les premiers habitants de la région). Sa présence, ainsi que celle d'autres saints, a marqué la ville comme un lieu sous protection spirituelle (wali).
*Le Soufisme et la Tariqa Alaouiya: Mostaganem est particulièrement célèbre pour être le foyer de la Tariqa (confrérie soufie) El-Alaouiya, fondée par le Cheikh Ahmed Al-Alawi (mort en 1934). Cette confrérie a eu une influence considérable non seulement en Algérie, mais aussi dans le monde musulman.
*Les Périodes de Conflit: Durant les périodes de domination espagnole et ottomane, les marabouts et les confréries ont souvent servi de piliers de résistance et de garde-fous identitaires face aux puissances étrangères, renforçant leur aura auprès du peuple.
Quelques marabouts célèbres de Mostaganem
Parmi la cinquantaine de mausolées, certains sont particulièrement emblématiques et continuent d'animer la vie locale:
*Sidi Abdellah El Khattabi El Idrissi: Souvent considéré comme le Saint Patron de la ville de Mostaganem, son mausolée est très vénéré.
*Sidi Lakhdar Ben Khlouf: Un poète algérien très populaire du XVIe siècle, connu pour ses poésies à la louange du Prophète et son épopée sur la célèbre bataille de Mazagran (1558) contre les Espagnols. Son mausolée est situé dans la commune qui porte aujourd'hui son nom.
*Sidi Saïd: Son mausolée se trouve en centre-ville, près du siège de la mairie.
*Sidi Maazouz El-Bahri: Situé dans le quartier historique de Tigditt, dans un cimetière portant son nom…..à suivre



