Le Carrefour de Mostaganem

L'Échec du «Coup de poing» face au monstre de l’informel

Par Med Krelifa

A Mostaganem, la guerre contre le marché informel est perdue d'avance. Tandis que l'économie locale suffoque sous le poids des étals illégaux – allant du textile, des fruits et légumes, des articles de pacotilles, aux produits de la mer vendus à même le sol – les opérations "coup de poing" des élus de l'APC et des services de sécurité ne sont qu'une vaine répétition. Le véritable enjeu n'est pas d'éradiquer, mais de comprendre pourquoi ce phénomène de l'informel continue de renaître de ses cendres, tel un monstre indomptable. L’échec se nourrit d'une approche répressive et dépourvue de rationalité économique. La solution ne réside pas dans l'usage de la force, mais dans l'élaboration d'un cadre inclusif et pragmatique. L'APC doit cesser la confrontation et initier un dialogue social franc et constructif avec ces acteurs de l'informel. L'objectif est clair: co-construire des alternatives viables – petits marchés organisés, espaces de vente dédiés, ou programmes de microcrédits peut-être à titre transitoire, opter pour le prolongement de Ain Sefra, les marchés de proximités ou les magasins communaux qui permettent à ces jeunes d'intégrer la légalité. Seules des solutions pérennes et agréées par ces jeunes eux-mêmes transformeront l'informel en un levier de développement local. Le refus obstiné d'engager ce dialogue génère un coût social exorbitant. Chaque opération coup-de-poing sans alternative ne fait qu'aggraver la précarité et le sentiment d'abandon de cette jeunesse. L'exclusion les pousse vers des conséquences sociales imprévisibles et dramatiques. La marginalisation de ces jeunes commerçants nourrit directement l'envie, le désespoir et les rend de plus en plus vulnérables au phénomène tragique des "harragas" (l'émigration clandestine). Le Revers de la Médaille: De l'État-Providence à la Responsabilité. Néanmoins, mon analyse ne peut ignorer l'autre revers de la médaille: l'attentisme d'une partie de ces jeunes, souvent tentée par le modèle de l'État providence" et le "tout gratuit", et ce, au mépris des obligations administratives et fiscales élémentaires. La volonté d'intégrer le circuit formel doit être réciproque. L'APC doit, en parallèle de l'offre d'alternatives, engager des actions de sensibilisation massives pour déconstruire cette culture. Surtout, elle doit mettre en place des cellules d'accompagnement dédiées. Ces structures sont essentielles pour éviter que ces jeunes ne s'embourbent dans les dédales bureaucratiques du commerce légal et ne capitulent face à la complexité administrative. L'accompagnement doit être la clé de voûte de la transition vers la légalité. En définitive, l'action contre l'informel à Mostaganem doit cesser d'être une simple démonstration de force pour devenir une politique publique de résorption. L'heure n'est plus à l'exclusion, mais à l'investissement dans le dialogue social. C'est uniquement en proposant des solutions agréées et structurantes, couplées à un accompagnement administratif rigoureux, que l'APC pourra transformer ces acteurs de la survie économique en partenaires du développement durable de la ville, assurant ainsi la paix sociale et la prospérité légale de Mostaganem.

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Plateau Marine. L’inacceptable état de son abandon

Par Y.Zahachi

Le quartier du Plateau de la Marine sombre inexorablement dans la ruine, menaçant la sécurité de ses résidents et symbolisant un oubli criant des autorités locales. Construit à l'époque coloniale, ce lieu emblématique abrite un phare principal datant de 1859, dont le feu est éteint depuis plus d'un siècle, laissant l'ensemble du bâti se dégrader sous l'effet du temps et du manque d'entretien. Malgré sa proximité avec la façade maritime et son potentiel touristique, le quartier reste exclu des programmes de développement. Un mémoire universitaire de 2016 propose même sa rénovation en éco-quartier pour relancer une dynamique socio-économique, soulignant la dégradation qui impacte la qualité de vie des citadins. Ce patrimoine, stratégique par sa position en contrebas de la ville et face à la mer, mérite une réhabilitation urgente pour intégrer une vision moderne, comme annoncé par le Chef de l'État dans son allocution du 16 décembre. L'absence criante de lignes de transport urbain isole ce quartier difficile d'accès, forçant les habitants à recourir à des transporteurs clandestins. Élus locaux et chef de daïra de Mostaganem : il est temps d'assumer pleinement vos responsabilités devant les citoyens et l'État, qui place la qualité de vie au cœur de sa politique nationale. Ce quartier, évoquant par endroits des zones sinistrées, ne peut plus attendre dans un silence coupable alors qu’après la presse écrite et les réseaux sociaux, c’est la presse télévisée qui relaye désormais l'indignation des habitants désertant ces lieux, par ras-le-bol. Des projets ambitieux de rénovation doivent prioriser le Plateau de la Marine transformant ruines en opportunité touristique et sociale. Pour réparer l’injustice de l’oubli quoi de bon que de lancer un projet d’étude de rénovation et de réhabilitation du quartier « plateau de la marine » en lui donnant un statut d’envergure par l’injection d’infrastructures valorisantes car sa proximité avec un port de voyageurs et de commerce est un atout en or à exploiter, sans modération. Le Wali Ahmed Boudouh, avec sa capacité de résilience managériale est certainement l’homme de la situation le plus attendu pour rebondir sur ce dossier occulté pendant des décennies. Les citoyens croisés dans les lieux croient que seul le wali est capable de les sortir de la misère sociale dans laquelle ils sont embourbés, de l’ombre à la lumière, comme il sait le faire et pourquoi pas avec un plan spécial de développement urbain partiel ?

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Le Rôle des Écoles Coraniques pendant la période coloniale

Par  H.Med Soltane

(2ème partie)

Piliers de l'Identité: Traditionnellement, ces écoles étaient le cœur de l'enseignement islamique et de la langue arabe, assurant la transmission des valeurs culturelles et religieuses algériennes face à l'entreprise de francisation de l'administration coloniale. Résistance Culturelle: Dès le début de la colonisation, le système d'instruction traditionnel (écoles coraniques, zaouïas) a été perçu comme un frein à la domination française. L'administration coloniale a d'ailleurs confisqué les biens habous qui finançaient ces institutions, visant à les affaiblir méthodiquement. Le Mouvement Réformiste : L'Association des Oulémas Musulmans Algériens (AOMA), fondée en 1931, a relancé et modernisé de nombreuses écoles coraniques (Madrasas). Ces établissements enseignaient non seulement le Coran, mais aussi l'arabe classique, l'histoire et la géographie, avec une forte conscience nationaliste et anti-coloniale. C'est dans ces écoles que se formaient les cadres de la conscience nationale. Liens avec la Révolution et la Répression: Commissaires Politiques: Il est exact que les Chouyoukh (notamment ceux liés aux Oulémas ou simplement patriotes) étaient souvent des figures d'autorité morale et religieuse. Ils jouaient un rôle d'éveil politique, de mobilisation, et de soutien logistique ou idéologique à la Révolution, agissant de fait comme des cadres ou commissaires politiques pour la cause nationale. Le lien entre l'enseignement religieux et la lutte pour l'identité et la souveraineté était très fort. Dissolution et Répression par l'Armée: C'est en effet la raison principale de la répression. Les autorités coloniales, et en particulier l'Armée française, considéraient ces écoles, surtout celles liées au réformisme, comme des foyers d'agitation et de subversion nationaliste. Elles étaient soumises à une surveillance étroite et ont fait l'objet de mesures de contrôle, de fermeture, et de destruction, en particulier après le déclenchement de la guerre de Libération en 1954. En conclusion, votre analyse est largement confirmée par les faits historiques : l'enseignement coranique et ses maîtres constituaient un bastion de résistance culturelle et ont joué un rôle actif et essentiel dans la préparation et le déroulement de la Révolution algérienne, ce qui a entraîné leur dissolution et leur répression par l'autorité coloniale. Ainsi, malgré les pressions de la colonisation et la confiscation des biens habous qui fragilisèrent leur existence, les écoles coraniques d’Algérie ont continué à jouer un rôle essentiel dans la préservation du savoir, de la langue et de l’identité religieuse et culturelle. Leur force résidait autant dans la transmission du savoir que dans les rituels éducatifs qui accompagnaient la vie de l’élève. Parmi ces traditions, la récompense offerte aux enfants qui récitaient correctement les versets proposés par le Cheikh occupe une place particulière. Lorsque l’élève maîtrisait sa leçon, sa louha - l’ardoise en bois sur laquelle il écrivait - était décorée de couleurs vives, souvent ornées de motifs représentant une mosquée, symbole de réussite et de bénédiction. Cet instant de fierté était célébré collectivement: l’enfant apportait du thé, des beignets ou quelques douceurs aux autres élèves de la mosquée, transformant la réussite individuelle en un moment de partage et de joie communautaire. Ces gestes simples, empreints de spiritualité, d’humilité et de convivialité, rappellent que l’enseignement coranique était bien plus qu’un apprentissage: c’était une école de vie, d’éthique et de cohésion sociale. Grâce à cette culture de la solidarité et de l’encouragement, ces institutions ont perduré et contribué durablement à la formation de la conscience nationale et à la préservation de l’identité algérienne.


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