Colonialisme, esclavage, ségrégation raciale et apartheid en Afrique. Le «procès» s’ouvre en Algérie

Juger les crimes et poursuivre les bourreaux sur le colonialisme en Afrique est-il possible au-delà de la condamnation et de la revendication? Durant des décennies et des âges, le continent a subi en silence des atrocités d’esclavage, de meurtre, d’extermination, de déportation et de ségrégation raciale, sans pouvoir prétendre à une réparation ou, du moins, un jugement qui le rétablit dans sa dignité. Ce qui s’apparentait jadis à des tentatives de poursuite des criminels coloniaux, à l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, a fini par s’effondrer. Les masques sont tombés et l'Afrique se dit prête à lancer des «procès» sur le colonialisme. Forte du soutien de ses Nations et Etats colonisés et étant toute convaincue qu’elle aura son mot à dire, l’Afrique va enfin parler d’une même voix, d’une même fermeté pour faire valoir ses droits sur les crimes coloniaux. A l’unisson, le continent sera en effet mieux armé et mieux entendu. Résolue à se défendre bec et ongles devant les institutions de droit international dédiées aux question du colonialisme, elle s’apprête d’ores et déjà à dénoncer, haut et fort, les crimes coloniaux et réclamer reconnaissance et réparation lors de la prochaine conférence internationale d’Alger sur les effets et les méfaits du colonialisme en Afrique. Ministres, juristes, historiens, universitaires et experts africains, caribéens et d’autres régions du monde se donneront le mot pour vers la fin novembre 2025 pour concrétiser leur objectif de recouvrement légitime de leur droit à une justice anticoloniale. Une occasion pour l’Algérie de plaider sa cause et dénoncer les crimes commis par le France coloniale durant 132 ans d’occupation. Pas seulement, d’autres pays africains monteront à la tribune de la conférence pour dénoncer l’Apartheid et la ségrégation raciale dans le continent. Une sorte de «procès» pour juger les crimes coloniaux français, britanniques, belges, allemands commis sur le continent. Une avancée notable de la plupart des pays africains concernant notamment le droit de la mémoire et de la reconnaissance. Cet événement continental de taille, prévu dimanche 30 novembre et lundi 1er décembre au Centre international des conférences (CIC) d’Alger, a été décidé par l’Assemblée générale de l’Union africaine en février dernier, sur proposition du président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Le chef de l’État avait fait l’offre d’organiser en Algérie une conférence dédiée à la célébration et à la mise en œuvre du thème de l’année 2025: «Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers les réparations». L’Algérie est toute indiquée pour abriter un tel événement pour au moins deux raisons. Il s’agit d’abord d’un des pays qui ont le plus souffert du colonialisme et qui ont payé un lourd tribut pour leur indépendance. Avec plus de cinq millions de personnes disparues ou mortes depuis 1830, date de l’occupation de l’Algérie et plus d’un million et demi de chouhadas durant uniquement la guerre de libération nationale 1954-1962, le pays est un exemple concret d’Afrique et le seul à avoir été victime du plus grand nombre d’atrocités en toutes sortes du fait des crimes coloniaux. Ensuite, l’Algérie est profondément engagée dans la défense de la dignité, de la mémoire et des droits des peuples africains et possède des traditions historiques de soutien aux causes justes et aux peuples qui luttent pour leur affranchissement du colonialisme. L’Algérie œuvre aujourd’hui à renforcer la réflexion et l’action collective visant à criminaliser le colonialisme, l’esclavage, la ségrégation raciale et l’apartheid comme crimes contre l’humanité. C’est l’orientation du pays sous l’impulsion du président Tebboune. En abritant cette conférence, la première du genre sur le continent, l’Algérie entend contribuer à renforcer l’architecture africaine de justice historique, en offrant une plateforme de dialogue de haut niveau afin de consolider la reconnaissance internationale des crimes coloniaux et de promouvoir des mécanismes concrets de réparation.
Parmi les objectifs de la conférence d’Alger, la consolidation d’une position africaine unifiée sur la justice historique, les réparations, la restitution du patrimoine et la préservation de la mémoire collective. Les travaux devraient aborder toutes les dimensions des crimes coloniaux: humaines, culturelles, économiques, environnementales et juridiques. L’accent sera mis sur les traumatismes intergénérationnels, la spoliation et la destruction du patrimoine culturel africain, l’exploitation des ressources, les modèles économiques inéquitables hérités du colonialisme et les impacts environnementaux, comme les essais nucléaires réalisés sur des populations civiles. Les participants devraient discuter aussi des voies juridiques à même de renforcer la criminalisation du colonialisme et d’établir un mécanisme africain permanent pour les réparations et la restitution. Il est surtout attendu qu’ils adoptent la «Déclaration d’Alger», qui sera soumise au Sommet de l’UA en février 2026 pour examen et endossement.


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