Chemin de fer. Entre oubli, enjeux stratégiques et attentes citoyennes
Par Younes Zahachi
Longtemps considéré comme l’un des leviers d'intégration territoriale, le réseau ferroviaire de Mostaganem semble avoir été relégué au second plan durant plusieurs décennies. Une situation paradoxale pour une wilaya côtière stratégique, dotée d’un port en pleine extension et d’un potentiel économique en croissance constante. La ligne ferroviaire Mostaganem-Mohammadia, timidement réactivée par intermittence, n’a jamais réellement retrouvé sa fonctionnalité opérationnelle. Entre changements successifs de responsables, pression urbanistique et priorisation, d'autres projets structurants tels que le tramway, le CHU, les programmes d’habitat ou encore l’aménagement de l’Oued Ain-Sefra et les aménagements des façades maritimes, le rail a perdu progressivement sa place dans les politiques publiques locales. Dans certains secteurs urbains, la situation frôle aujourd’hui l’irréversibilité, pourrait-on avancer puisque des immeubles ont été construits à quelques mètres seulement de la voie ferrée, rendant complexes, coûteuses et parfois impossibles certaines opérations de réhabilitation. Sur le terrain, la sécurité ferroviaire demeure également un point noir. De nombreux passages à niveau restent sans dispositifs de protection, malgré des accidents signalés à plusieurs reprises. L’arrivée d’un nouveau wali, ainsi que la nomination du ministre des Transports Saïd Sayoud au Secteur des Transports, ont redonné une impulsion au dossier avec l’annonce, début 2025, de la réhabilitation complète de la voie ferrée portuaire. Il s’agit d'une infrastructure essentielle pour désengorger les routes, soutenir l’activité du port et améliorer la connexion avec les zones logistiques de l’arrière-pays. Dans le même sillage, le ministre avait affirmé qu’une étude d’extension du réseau est en cours pour relier Mostaganem à Oran et Tlemcen, dans la perspective d’un corridor ferroviaire régional structurant. Or, malgré cette annonce officielle, largement relayée à l’époque, aucune mise à jour d’avancement n’est actuellement visible. Ce silence administratif interroge. «Mostaganem connaît une dynamique économique réelle. Alors pourquoi le rail, qui est un levier stratégique, reste-t-il sans investissements concrets», s’interrogent de nombreux citoyens. Selon les orientations nationales du transport (Ministère des Transports, Stratégie 2023–2035), le rail est un enjeu économique et logistique majeur et doit jouer un rôle central dans la logistique portuaire, la réduction du trafic routier, la connexion inter-wilayas, la transition énergétique du transport. Dès lors, la non-réhabilitation du réseau ferroviaire de Mostaganem apparaît en contradiction avec ces objectifs nationaux. Ce qu’attendent désormais les citoyens est que ce dossier ne peut plus rester flou et alors, la société civile, les élus locaux, les universitaires, ainsi que les secteurs économiques et portuaires, sont appelés à exiger un audit technique complet du réseau ferroviaire existant, clarifier le calendrier réel de réhabilitation. Mais, en attendant, il faut sécuriser en urgence les passages à niveau, préserver systématiquement les couloirs ferroviaires contre l’urbanisation anarchique. Mostaganem ne peut se permettre de rester en marge des grands axes ferroviaires nationaux, alors même que son potentiel économique est en pleine expansion.
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L’artisanat un levier sûr dans la dynamique économique locale
Par Charef Kassous
A l’instar des autres wilayas du pays, la chambre de l’artisanat et des métiers de Mostaganem, et comme à l’accoutumée, célèbre la journée nationale de l’artisan d’une manière démonstrative. A l’occasion de cette fête à caractère spécial car elle met en valeur les métiers d’un domaine considéré mémoriel mais aussi à contours économiques. Mr Ismail Ramadani et en sa qualité de directeur de la Chambre de l’Artisanat et des Métiers de la wilaya, s’exprime sur l’évolution du secteur de l’Artisanat à Mostaganem en mettant en exergue les grandes étapes de son évolution. Il avancera que le secteur a marqué, ces dernières années, un saut de qualité suite à la grande attention qu’à toujours suscitée le Président de la République Mr Abdelmadjid Tebboune. A Mostaganem, les autorités de la wilaya, en l’occurrence Mr Ahmed Boudouh et dans le cadre de promouvoir le secteur a, de tous temps, soutenu l’effort des artisans. Le chef de l’Exécutif conscient des enjeux socio-économiques, encourage les métiers ancestraux et les produits traditionnels car pour lui c’est un levier établi, créateur de richesses et pourvoyeur d’emplois. Le directeur ajoutera qu’avec le directeur du Tourisme de la wilaya et les élus de la Chambre, nous conjuguons nos efforts afin d’accomplir les objectifs attendus par le secteur. Et de poursuivre : "Aujourd’hui, les métiers traditionnels progressent à travers l’ensemble du territoire de la wilaya même dans les zones rurales les plus reculées".
Le directeur affirmera, par ailleurs, qu’à ce jour les inscrits sur le registre de la fabrication traditionnelle a atteint en octobre 2025 le nombre de 7415 professionnels, ajoutés à ce chiffre les 149 nouveaux inscrits cette année 2025 avec, bien entendu, les 21784 emplois créés. Cette évolution marquera toute une époque car les premiers pas officiels de la production artisanale ont été amorcés en 1999. Les métiers de l’artisanat sont ainsi chiffrés puisque ce secteur emploie à travers la wilaya 10482 hommes et 2766 artisanes soit 79,01% contre 20,09 du genre et c’est les milieux urbains qui occupent les 67% de l’activité artisanale. C’est ainsi qu’à Mostaganem, cette journée dédiée à l’artisan, a été majestueusement célébrée, traduite par un salon d’exposition de diverses activités allant de la couture, la tapisserie, le travail du cuivre, la poterie jusqu’aux travaux de l’osier. Mostaganem s'enorgueillit d’avoir un secteur prometteur soutien à la diversité touristique de la wilaya et qui se porte bien.
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«Kbir Eddouar». Des rôles au-delà d’une tradition relais local du pouvoir colonial
Par Hadj Med Soltane
(2ème partie)
En incluant le "Kbir Eddouar" dans le contexte plus large des chefferies indigènes, nous pouvons mieux cerner la structure de l'administration rurale et le rôle de ces acteurs dans la vie quotidienne des populations de la région de Mostaganem sous l'ère coloniale. Hiérarchie de l'Administration Rurale Coloniale (Mostaganem): L'administration coloniale française en Algérie a organisé les territoires ruraux, y compris les douars de la région de Mostaganem, principalement au sein des Communes Mixtes. Le système reposait sur une hiérarchie de chefs indigènes servant de courroie de transmission et de contrôle pour l'Administrateur français: L'Administrateur (Français): Placé au sommet de la Commune Mixte, il détenait l'autorité exécutive et judiciaire. Le Caïd (Arabo-Berbère): À l'échelon immédiatement inférieur, le Caïd (souvent issu de grandes familles) était responsable d'une fraction ou d'un regroupement de douars. Il était l'interface principale entre l'Administration et les populations. Lekbir Eddouar (Cheikh): À la base, ce chef était directement responsable d'un seul douar (village ou territoire). Il pouvait être appelé Kbir Eddouar (le grand du douar, le notable) ou parfois Cheikh (l'ancien, le sage). Le Rôle du Kbir Eddouar (ou Cheikh). Le Kbir Eddouar, à l'échelle la plus locale, était le point de contact direct entre l'autorité coloniale et les familles rurales du douar. Son rôle était multidimensionnel et crucial pour le fonctionnement du système colonial. Relais de l’Autorité: Il était chargé de transmettre et de faire appliquer les ordres et les règlements de l'Administrateur et du Caïd. Perception des Impôts: Il jouait un rôle essentiel dans le recensement des habitants et des biens, facilitant la perception des impôts et des taxes auprès des populations rurales. Renseignement et Contrôle: Il était une source de renseignements pour l'armée et l'administration sur l'état d'esprit, les mouvements, et les éventuelles résistances au sein du douar. Il participait au maintien de l'ordre local. Gestion des Conflits: Il intervenait souvent pour régler les différends mineurs (terres, bétail, querelles familiales) en s'appuyant sur la coutume ('urf), sous le contrôle du Caïd. Affaires Diverses: Il participait à la gestion des travaux publics locaux (entretien des pistes, des fontaines) et aidait au déroulement des recensements, des levées d'hommes (recrutement), et des enquêtes administratives. L'Impact sur la Ruralité de Mostaganem: Le système de chefferie, y compris le Kbir Eddouar, a eu un impact profond et souvent négatif sur la ruralité de Mostaganem: Détournement des Élites: Il a créé une élite locale (les Kébar) qui, pour conserver son pouvoir, était contrainte de collaborer avec le pouvoir colonial, ce qui les mettait en porte-à-faux avec la majorité des paysans. Exactions et Corruption: La position intermédiaire de ces chefs a souvent conduit à des abus, des exactions et de la corruption (surtaxe, favoritisme, accaparement de terres), les populations rurales étant doublement pressurisées: par le fisc colonial et par leurs propres chefs. Affaiblissement des Structures Traditionnelles: L'imposition de ces figures affaiblissait les structures d'autorité traditionnelles basées sur le consensus ou la généalogie non reconnue par l'Administration, désorganisant la vie politique interne des douars. Ainsi, le KbirEddouar était une figure de pouvoir ambivalente: une autorité locale reconnue et utilisée par l'Administration coloniale, mais souvent perçue par les populations rurales comme un agent de l'oppression et de la fiscalité coloniale. Détails du Rôle du Chef de Douar par Région - Mostaganem/Tell: L'Agent Fiscale dans la région de Mostaganem, le Kbir Eddouar était essentiellement l'agent d'exécution fiscale et démographique du Caïd et de l'Administrateur. Sa principale tâche dans cette ruralité fortement colonisée était d'assurer que les agriculteurs indigènes, marginalisés par l'accaparement des meilleures terres, paient les impôts doubles qui pesaient sur eux (impôts français + impôts dits "arabes"). Son pouvoir dépendait presque entièrement de l'Administration coloniale, et il était très vulnérable aux accusations de corruption ou d'abus par les habitants et les fonctionnaires.



