Le Carrefour de Mostaganem

Patrimoine en péril. Entre mémoire et urgence d’agir

Par Y.Zahachi

Entre les discours et la réalité, le constat est sans appel : notre héritage s’effrite, lentement mais sûrement. Cette énième alerte, déjà maintes fois évoquée, remet en lumière un problème profond. À Mostaganem, malgré les nombreux appels lancés lors de conférences, de débats publics et de réunions officielles, la situation du patrimoine culturel reste préoccupante. Les sites historiques se dégradent, les bâtiments anciens s’effondrent dans l’indifférence, et les traces d’un passé prestigieux disparaissent peu à peu, effacées par le temps et la négligence. La ville, jadis considérée comme la capitale spirituelle, intellectuelle et artistique de l’Ouest algérien, perd chaque année un peu plus de ce qui faisait son identité. Mostaganem, autrefois phare des arts, de la pensée et du commerce méditerranéen, se retrouve aujourd’hui à mi-chemin entre oubli, abandon et blocages administratifs. Prenons deux exemples significatifs. Le premier concerne le mausolée du Bey Bouchelagham, vestige méconnu de la période ottomane. Situé près du centre historique, cet édifice, qui abrite la tombe d’un ancien gouverneur ottoman, est dans un état de délabrement avancé. Ses murs fissurés, sa coupole effondrée et l’absence totale de signalétique ou de protection témoignent d’un désintérêt inquiétant. “Ce lieu fait partie intégrante de notre histoire, mais rien n’indique son existence. Aucun panneau, aucun effort de restauration. C’est comme si l’on voulait effacer une page de notre passé”, déplore un habitant du quartier. Le second exemple est Bordj Mhal, l’ancienne prison de la Casbah, elle aussi laissée à l’abandon. Érigé durant la période ottomane puis transformé par la colonisation française en fort et centre de détention, le site aurait pu devenir un musée de la mémoire locale. Les pierres, pourtant, parlent encore. Elles portent les marques du temps, de l’eau et de l’oubli. “Ce monument pourrait être restauré et transformé en musée dédié à la résistance ou à l’histoire de la ville. Ce serait un lieu à la fois éducatif et touristique”, propose un chercheur de l’Université Abdelhamid Ben Badis. Les exemples ne manquent pas, et les inventaires non plus. De nombreux sites ont déjà été recensés par la Direction de la Culture et des Arts : les ruelles anciennes de Tobana, le vieux port historique, ou encore Mazagran, symbole d’une résistance héroïque en 1840. Mais entre identification et réhabilitation, le fossé reste immense. Les causes de ce retard sont connues: budgets insuffisants, bureaucratie paralysante, manque de coordination entre les secteurs concernés et absence de suivi technique. Résultat : le patrimoine se dégrade plus vite que ne se prennent les décisions. Mais Mostaganem ne se résume pas à ses monuments. Son patrimoine immatériel, traditions soufies, chants andalous, melhoun, théâtre populaire et fêtes religieuses, est tout aussi fragile. Faute d’initiatives de transmission et de soutien aux acteurs culturels, les jeunes générations s’en éloignent peu à peu. Les blocages sont multiples : lenteurs administratives, manque de vision commune, fragmentation des compétences. Chaque institution agit seule -la culture protège, l’urbanisme construit, le tourisme communique- sans stratégie d’ensemble. Les procédures de classement sont longues, les budgets rares, et les universités, pourtant riches en savoir, trop peu impliquées. Pour inverser la tendance, il devient urgent de mettre en place une stratégie claire et collective. Parmi les pistes proposées: Lancer un Plan de Sauvegarde du Patrimoine de Mostaganem (PSPM), sur le modèle de ceux déjà appliqués à Alger ou Constantine; Restaurer des sites symboliques, tels que le mausolée du Bey Bouchelagham, Bordj Mhal ou le vieux port de Giza, afin d’en faire des espaces vivants et éducatifs; Créer un atelier local de restauration, réunissant artisans, architectes et jeunes formés aux techniques anciennes; Associer les universités et associations à un programme participatif de sauvegarde et de médiation culturelle; Numériser le patrimoine pour offrir des visites virtuelles et transmettre la mémoire par le digital; Sensibiliser la population, en particulier les jeunes, par des ateliers, des parcours patrimoniaux et des journées dédiées. Le patrimoine n’est pas un simple souvenir du passé : il constitue un pilier d’identité, de cohésion et de développement durable. Mostaganem possède tous les atouts pour devenir un modèle national, à condition de replacer la culture au cœur de ses priorités. Préserver le patrimoine, c’est préserver la mémoire du peuple”, disait un ancien responsable culturel. Mais à Mostaganem, le temps joue contre la mémoire. Il devient essentiel de réunir tous les acteurs -autorités, associations, universitaires et citoyens- autour d’une conférence ou d’un colloque qui poserait les bases d’un véritable plan d’action. Certaines associations locales ont déjà tenté de sauver ce patrimoine, souvent avec peu de moyens et de soutien. Des campagnes de sensibilisation et des ateliers participatifs pourraient raviver le sentiment d’appartenance et encourager la population à s’impliquer. Enfin, la collaboration universitaire est cruciale. L’université de Mostaganem mène déjà des travaux sur la préservation du patrimoine, à travers des mémoires de recherche et des rencontres scientifiques.

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Les stades de proximité monopole du ballon rond

Par Hadj Med Krelifa

C’est une bonne chose pour la ville de Mostaganem. L'équipement de stades de proximité dans chaque quartier permettra de développer les activités sportives et de loisirs pour les habitants, en particulier les jeunes. L’APC a réalisé 22 terrains de jeux non combinés en gazon synthétique dernière génération. Ces stades de proximité peuvent également contribuer à favoriser la pratique sportive et l'activité physique, renforcer le lien social et la cohésion des jeunes habitants dans les quartiers, offrir des espaces de détente et de loisirs, développer les talents sportifs locaux, apprendre le fair-play, se préserver des fléaux de la drogue pour un corps sain et enfin prévenir contre la délinquance. Quels sont les sports les plus pratiqués à Mostaganem? Et quels sont les avantages que les jeunes attendent de ces nouveaux stades de proximité? Là où le bât blesse c'est que ces stades sont dotés uniquement de mobiliers sportifs touchant au football en ignorant les mobiliers pour les sports collectifs. Il serait judicieux que ces structures aient un caractère polyvalent. Les jeunes manifestent leurs préoccupations concernant les stades de proximité. Même s’ils apprécient l'effort consenti pour développer les infrastructures sportives, ils regrettent que ces stades soient uniquement équipés pour la pratique du football, ignorant ainsi les autres sports collectifs. Nous pensons qu'il serait judicieux que ces structures aient un caractère polyvalent, permettant ainsi aux jeunes de choisir leur vocation sportive et de pratiquer différents sports. Cela contribuerait non seulement au développement de la pratique sportive, mais également à la promotion de la diversité et de l'inclusion. Rappelez- vous, le Président de la République Mr Abdelmadjid Tebboune à récemment plaidé pour la vulgarisation de tous les sports collectifs. Le Président clairvoyant donne une grande importance à ces pratiques sportives collectives (Volleyball, basketball, handball). Il serait également judicieux des confier la gestion de ces stades aux comités de quartier et les soutenir pour organiser un partenariat avec la commission sportive communale de l’APC pour tracer ensemble l’organisation d’une réelle politique sportive communale pérenne au profit de notre jeunesse. Nous vous demandons donc de reconsidérer ce programme et de prendre en compte les besoins des jeunes et des associations sportives de quartiers de notre commune.

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«Kbir Eddouar». Des rôles au-delà d’une tradition relais local du pouvoir colonial

Par Hadj Med Soltane

(Partie I)

L’étude du ‘’Kbir Eddouar’’ dans le système des Communes mixtes offre un éclairage essentiel sur la manière dont l’administration coloniale française a façonné et contrôlé la société rurale algérienne, notamment dans la région de Mostaganem. Figure ambivalente, le Kbir Eddouar’'ou notable du douar représentait à la fois une autorité traditionnelle réhabilitée et un agent subalterne du pouvoir colonial. Son rôle allait bien au-delà de la simple perception des impôts: il incarnait la courroie de transmission entre le colonisateur et les populations autochtones, tout en participant à la désintégration progressive des structures coutumières et familiales. À travers l’analyse de cette fonction, on perçoit la profondeur du dispositif colonial qui, sous couvert d’organisation administrative, a enraciné la domination politique, économique et sociale jusque dans les plus petits Douars. Comprendre le rôle du ‘’Kbir Eddouar’’, c’est donc saisir comment le pouvoir colonial a instrumentalisé les notabilités locales pour asseoir son autorité et remodeler durablement la ruralité de Mostaganem. Désignation et Rôle: Le Kébir, ou notable local, était généralement choisi (ou confirmé) par l'administration française, souvent au sein des familles influentes (ahl el-kebar - les gens de la notabilité) ou des grandes familles terriennes. Il était le chef au niveau du douar (unité territoriale rurale créée ou réorganisée par le Sénatus-consulte de 1863). Relais de l’Administration: Sa fonction principale était de servir de relais subalterne entre les populations du douar et l'administration coloniale supérieure (le Caïd, puis l'Administrateur de la Commune Mixte). Perception des Impôts: Il aidait à la collecte des impôts (achoura, zekkat et autres taxes coloniales). Maintien de l’Ordre: Il participait au maintien de l'ordre local et au renseignement. Justice Coutumière: Il pouvait jouer un rôle dans le règlement des conflits locaux. Instrument de Contrôle: Ce système visait à "indigéniser" l'administration coloniale, en utilisant des figures d'autorité locale. Cependant, ces chefs indigènes étaient souvent perçus par les populations comme des agents de la puissance coloniale, participant à l'exploitation et à l'écrasement de la société rurale, notamment en matière de dépossession foncière et de contrôle social. Dans la région de Mostaganem (qui faisait partie du Département d'Oran), l'administration rurale était organisée autour des Communes mixtes. Ces structures superposaient des centres de colonisation européenne et des douars indigènes. Le ‘’Kbir Eddouar’’ était une cheville ouvrière essentielle pour l'administrateur français au niveau le plus bas du douar, permettant le contrôle du territoire et la gestion des affaires courantes, y compris la surveillance politique et les recrutements. Le terme "Kbir Eddouar" a donc une double résonance: Religieuse et Culturelle. Il désigne la Grande Fête (Aïd al-Adha), qui structure la vie sociale et économique rurale. Historique/Politique: Il désigne une fonction administrative subalterne (le Notable/Chef) mise en place par l'administration coloniale pour encadrer et contrôler la population du douar. La clarification met en lumière l'importance d'analyser la ruralité de Mostaganem non seulement sous l'angle des traditions, mais aussi à travers le prisme des structures de domination coloniale. (A suivre…)

 

 


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