Les cafés d’hier, mémoire vivante d’Oran

Bien avant les chaînes modernes et les terrasses vitrées, Oran avait ses cafés de quartier, simples et vivants. On y refaisait le monde, on y partageait les nouvelles, on y goûtait à la chaleur humaine. Ces lieux, aujourd’hui presque disparus, racontent mieux que quiconque l’âme oranaise". Ils portaient des noms modestes — Le Progrès, El Bahia, Le Port, Le Central, l’unique, le cintra, l’aiglon, mais chacun avait son histoire, ses habitués, ses rituels. Dans ces cafés d’autrefois, on ne venait pas seulement pour boire un café noir brûlant, mais pour appartenir à un cercle, à une ambiance, à un quartier. À Tahtaha, chaque café avait son penchant, sa personnalité. Le Café Abdelhalim Hafez attirait les amoureux de la chanson égyptienne et des airs romantiques. Le Café des Chyoukhs réunissait les sages pour écouter les kassidates de Cheikh Hamada, Cheikh Djillali Ain Tedles, Cheikh Rimiti...gardiens de la mémoire oranaise. Quant au Café Oranais, il faisait vibrer les murs aux sons de Blaoui Houari, Ahmed Wahbi, Benzerga, Ahmed Saber — ces voix mythiques qui ont façonné l’identité musicale d’Oran. Là, les jeunes fredonnaient, les anciens se souvenaient, et la musique liait les générations. Le matin, les travailleurs lisaient le journal entre deux gorgées, les retraités commentaient les matchs de la veille, et les jeunes s’essayaient aux débats d’adultes. L’après-midi, les parties de dominos claquaient sur les tables en marbre, entre les éclats de rire et les discussions politiques qui s’enflammaient. On y sentait le parfum du café fraîchement moulu, mêlé à la fumée des cigarettes et au brouhaha des conversations. Derrière le comptoir, le patron connaissait tout le monde : il servait avec le sourire, écoutait les confidences, apaisait les querelles. Le café, c’était un peu le journal du quartier, la place publique, le bureau du cœur. Aujourd’hui, beaucoup ont disparu, avalés par le béton ou remplacés par des établissements sans âme. Mais dans la mémoire des anciens, ces cafés continuent de vivre — comme des repères affectifs, témoins d’une époque où l’amitié avait encore le goût du sucre dans une tasse en verre. Aujourd’hui, il ne reste parfois qu’un souvenir, une photo jaunie ou un air de chant Oranais qui s’échappe d’une vieille radio pour rappeler ces cafés d’antan. Mais dans la mémoire Oranaise, ils demeurent vivants, comme des fragments d’un passé chaleureux ou chaque table portait l’accent du cœur.


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