On a plus de chance de mourir sur la route qu'ailleurs

En Algérie, on a plus de chance de mourir sur la route qu'ailleurs. On ne conduit plus prudemment, on ne prête plus attention aux panneaux de signalisation, on ne se soucie guère du code de la route. On appuie sur le champignon et on ignore le reste. Sur l'autoroute, c'est la vitesse qui prime, aller le plus vite possible en s'imaginant des pilotes de formule 1. Et dans la ville, le seul code est la loi du plus fort, du plus rusé, du plus suicidaire. On grille les feux rouges, on procède à des dépassements dangereux, on ignore la priorité et le sens interdit. Bus, taxi, particulier, tous, pris par une folie meurtrière, commettent des dizaines et des dizaines d'infractions par jour. Chaque jour que Dieu fait, on est témoins de rallyes entre bus, à travers des artères exiguës et au détriment des passagers et des piétons. L'impunité a fini par créer une nouvelle culture de conduite, celle d'avoir le droit à tous les abus sur la route. Les caméras de surveillance ne sont là que pour le décor et les radars brillent par leur absence. L'Algérien n'est plus ce conducteur respectueux, sur la route, il veut être le premier, il déteste être pris dans la file, alors il se défoule sur le klaxon, oblige les autres usagers à lui céder le passage, démarre en trombe, insulte tout le monde et s'éloigne comme une fusée au risque de commettre l'irréparable. L'Algérien rêve d'être seul sur la route, libre, sans gêne, sans concurrent, sans code, sans limite, sans policier, sans gendarme, roulant comme un fou et ne se souciant de personne. Le feu rouge le dérange, le stresse, l'incommode. Il est là pour le chambrer, l'énerver, le pousser à bout. Alors, il l'efface de son chemin, faisant comme s'il n'existait pas. Il préfère le vert, signe de liberté, de carte blanche et d'ouverture. Le pire ou peut-être l'absurde, personne ne tire les leçons des hécatombes quotidiennes relayées par les médias dénombrant les morts et les blessés sur les grands axes et sur les artères intra-muros. Personne ne prête attention à tous ces bilans alarmants censés inquiéter, alerter et inciter à la prudence.


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