Gaz, l’ultimatum de Doha à Bruxelles

L’Union européenne s’est engagée dans une véritable révolution énergétique: sortir du gaz russe d’ici 2027. Une ambition aussi géopolitique que climatique, mais dont les conséquences s’étendent désormais bien au-delà de Moscou. C’est désormais le Qatar, autre pilier de l’approvisionnement gazier européen, qui fait planer une nouvelle menace: suspendre ses exportations de GNL vers l’UE. En cause? Une directive sur le développement durable jugée trop intrusive. Le bras de fer s’annonce tendu. La directive européenne sur la diligence raisonnable exige des multinationales qu’elles surveillent les droits humains et l’impact environnemental de l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement. Pour le Qatar, cette mesure va trop loin, notamment en imposant des plans de transition climatique alignés avec l’accord de Paris. Doha s’en offusque : pas question de dicter à un État souverain sa politique énergétique. Dans une lettre adressée au gouvernement belge, le ministre de l’Énergie qatari, Saad al-Kaabi, évoque même la recherche de nouveaux marchés si l’UE persiste. Le timing est critique. Alors que l’UE ferme ses portes au gaz russe, elle doit multiplier les alternatives. Les États-Unis, la Norvège, l’Algérie, mais surtout le Qatar sont au cœur de cette stratégie de diversification. Or, une crise diplomatique avec Doha pourrait remettre en cause des projets d’approvisionnement à long terme, notamment des contrats de GNL avec des pays comme l’Allemagne, la France ou la Belgique. Ce coup de semonce qatari révèle un dilemme fondamental: comment concilier indépendance énergétique et ambition climatique, sans aliéner ses nouveaux partenaires ? L’UE ne veut plus dépendre de fournisseurs autoritaires comme la Russie, mais en imposant ses valeurs, elle risque de froisser d’autres régimes peu enclins à accepter des interférences environnementales. Le pari de Bruxelles est risqué mais assumé : imposer un nouveau standard éthique dans un marché mondial qui, jusqu’ici, s’accommodait de l’opacité. Mais à trop tendre la corde, l’Europe pourrait se retrouver piégée entre ses principes et ses besoins. Alors que l’hiver approche et que les tensions s’accumulent dans l’Est, cette crise naissante avec le Qatar rappelle une vérité brute : l’indépendance énergétique ne se décrète pas, elle se construit avec finesse… et diplomatie.


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